« A l’ombre du palmier à sucre » : une histoire des campagnes cambodgiennes

Avec son nouveau livre “A l’ombre du palmier à sucre”, Mathieu Guérin a voulu donner une Histoire à un monde qui n’en avait pas encore, les campagnes cambodgiennes à l’époque du protectorat français.

 

Les campagnes cambodgiennes à l’époque du protectorat français n’avaient pas encore leur Histoire 

Si le sujet avait été peu étudié jusque-là, ce n’est pas tant qu’il n’avait rien à offrir mais peut-être plus qu’il apparaissait peu accessible. Spécialiste de l’histoire du Cambodge des XIXe et XXe siècles et de l’histoire sociale, économique et environnementale de l’Asie du Sud-Est, Mathieu Guérin a, lui, décidé de s’y pencher, de plonger tête la première dans le quotidien de paysans khmers devant s’adapter à un nouvel ordre politique, économique et social à l’époque coloniale.

 

Ce jeudi 29 avril, l’historien a donné une conférence au café du Musée SOSORO, à Phnom Penh, pour présenter les résultats de cette immersion en eau trouble dans la campagne du Cambodge avec son nouveau livre, « A l’ombre du palmier à sucre. Les campagnes cambodgiennes sous protectorat français à travers l’exemple de Kampong Thom. ». 

 

Également maître de conférences à l’Institut national des Langues et Civilisations orientales, l’auteur n’en est pas à son coup d’essai. 

Après avoir signé une quarantaine d’articles de recherche sur l’histoire du Cambodge et de la région, Mathieu Guérin nous offre aujourd’hui quelques 400 pages en réponse à une question simple : Comment près d’un siècle de présence française a changé la vie de la masse des Cambodgiens, les habitants des campagnes ?

A l’ombre du palmier à sucre - Mathieu Guérin

 

Rendre compte de l’impact du protectorat français sur le Cambodge

Afin de rendre compte de l’impact du protectorat français sur le Cambodge, instauré officiellement en 1863, l’historien a dû procéder, comme il se doit, à une analyse des sources. Entre récits d’exploration, rapports périodiques de l’administration coloniale ou encore l’étude de la situation des colonisés de 1936, les sources françaises ne manquent pas. Mais pour faire de l’Histoire, la parole d’un seul ne suffit pas, c’est pourquoi le chercheur se penche aussi sur les sources khmères, même si bien moins nombreuses. Pour l’historien, il s’agit de contourner les biais pour atténuer, voir éviter, ce qu’il appelle la “distorsion du colonisateur”. 

 

En se voulant le plus précis possible, le spécialiste de l’histoire du Cambodge se transforme en chirurgien et vient découper les strates territoriales à la lamelle, pour en étudier les couches sociales. Comme il l’explique lui-même :

 

Il est nécessaire de choisir une échelle d’étude qui permette de rendre compte des choses dans leur ensemble mais également de pouvoir comprendre les évolutions particulières de la vie quotidienne.

 

Aussi, pour pouvoir observer ces évolutions globales tout en descendant au niveau des individus, c’est l’échelle de la Province qui a été retenue. 

 

Mais pourquoi donc l’exemple de Kampong Thom ? 

Le conférencier nous explique que la province est constituée de forêts, de lacs et de rizières, autant de topographies qui sont  sources de richesses agricoles et artisanales pour les habitants de la région. De plus, cette province est assez éloignée de l’axe de communication Phnom Penh / Saigon, et est de ce fait loin de l’action principale de l’administration coloniale, ce qui permet d’en mesurer les effets purement structurels sur le reste du territoire à long terme. 

 

Aussi, par ce méticuleux travail, l’historien étudie tous les aspects de la vie dans les campagnes cambodgiennes à cette époque : l’évolution de la relation des habitants à leur roi et à l’État, le renforcement de l’intégration du Cambodge à l’économie monde, l’évolution des productions agricoles et artisanales, les conséquences environnementales de la colonisation, l’abolition de l’esclavage et ses conséquences, les relations entre hommes et femmes, les réformes du bouddhisme theravada, l’introduction de la médecine et de l’école occidentales, les stratégies des élites rurales pour perdurer et la vie quotidienne à l’ombre des palmiers à sucre, au temps du protectorat. 

 

Une réorganisation de la société cambodgienne ?

Sous couvert d’une mission “civilisatrice” et d’une politique de valorisation des territoires colonisés, le protectorat français aura de ce fait participé à une réorganisation de la société cambodgienne. 

“Comment la puissance coloniale à essayer d’imposer un ordre politique centralisé dans les provinces ? Quelles ont été les limites de cette centralisation ? Comment la condition matérielle, la manière dont vivent les paysans khmers a changé après les réformes coloniales ? Comment l’ordre social a été ou non modifié dans les campagnes ?” sont autant de questions dont il faudra aller chercher les réponses, non pas à l’ombre de quelques palmiers, mais bien dans les pages du nouvel ouvrage de Mathieu Guérin. 

 

U. Lacaze

 

 

 

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