Rendez-vous avec Pol Pot – Rithy Panh – critique

Résumé : 1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges. Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve va vont peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.

Critique : Rithy Panh n’oublie pas qu’il s’est fait connaître au cinéma par ses activités de documentariste. D’ailleurs, la séquence d’ouverture de son long-métrage de fiction mêle des images d’archive qui montrent le Cambodge vu du ciel et la reconstitution des trois personnes venues faire un reportage sur le pays, à savoir une journaliste aguerrie à son métier, un photo reporter et un intellectuel de surcroît communiste. D’ailleurs, tout le récit n’aura de cesse d’alterner les images d’archive avec la mise en scène fictionnelle, déployant peu à peu l’envers d’un régime impitoyable, déterminé à faire disparaître toutes celles et tous ceux qui représentaient aux yeux de Pol Pot le monde d’avant le marxisme. Rendez-vous avec Pol Pot est un récit quasi initiatique qui cherche à révéler la mécanique diabolique du despotisme, sous couvert de discours de propagande ou de mises en scène savamment menées où les habitants doivent mimer une organisation idéale dans laquelle chacun mange à sa faim et produit de l’alimentation pour le seul intérêt général. On sait hélas depuis que les Khmers Rouges ont organisé l’un des pires génocides de l’histoire de l’humanité.

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Le réalisateur manie avec brio la fiction et l’enquête journalistique. Il connaît bien le Cambodge contemporain qu’il tente de mieux décrypter dans ses travaux cinématographiques. Il opte pour une mise en scène précise, qui prend le temps de la découverte d’un discours manipulatoire des autorités et de comportements de plus en plus violents. La narration s’appuie sur des maquettes dressées pour l’occasion, comme si la représentation artistique du périple journalistique engagé par les trois personnages ne pouvait trouver sa parfaite résonance que dans le pas de côté de la création. L’horreur qui va doucement se révéler aux personnages trouve ainsi un espace d’incarnation bien plus fort, tant la brutalité et l’absence totale d’empathie du régime sont immenses. Même les mots manquent pour caractériser la manière dont cet homme, Pol Pot, broie tout sens de l’altérité, au seul motif d’installer sa puissance et son modèle unique de gestion d’un pays.

Irène Jacob, Grégoire Colin et Cyril Gueï incarnent avec beaucoup de retenue et de mesure les trois personnes invitées pour témoigner à l’Occident d’un modèle de gouvernance idéal. La première notamment interprète cette journaliste solide, très expérimentée, qui manie la langue avec la sagesse d’un Sioux, convaincue que le moindre faux pas peut leur coûter la vie. Le second joue le rôle d’un communiste qui lutte contre la vérité d’un régime qui a fait fi de ses valeurs pour mieux imposer sa domination. Et le troisième incarne le photo-reporter, un homme courageux, téméraire, qui au nom de son engagement, n’hésite pas braver les lignes. Tous les trois composent une équipe que l’on ressent en permanence sur le fil, sans pour autant que l’angoisse ne les gagne trop pour continuer leur mission. Leur présence sur l’écran laisse sans voix, comme si eux-mêmes avaient été absorbés par la barbarie de Pol Pot et qu’ils avaient été changés intérieurement. D’ailleurs, à la fin, le spectateur ne sait plus des images d’archive et de la fiction où se situe le réel de la reconstitution.

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Rendez-vous avec Pol Pot se regarde comme un documentaire qui éclaire le monde sur un drame qui a duré quatre ans et a éliminé près de 20 % de la population cambodgienne. Une nouvelle fois, le film revendique la nécessité pour pays comme la France de garantir le droit de la presse et la protection à toutes les personnes qui fuient la barbarie de leur pays. Plus qu’un film témoignage, Rithy Panh dresse un discours historique et politique d’envergure qui ne laissera personne indifférent. La mémoire est ravivée, comme celle pour toutes les nations du monde qui ont vu leurs populations décimées la brutalité du régime en place.

Rendez-vous avec Pol Pot est un film d’où l’on sort à la fois épuisé par la perversité du régime communiste Khmer et revigoré par la nécessité de continuer à faire vivre la mémoire de ces millions de personnes qui ont été massacrées. Inspiré d’une enquête d’Elisabeth Becker Les larmes du Cambodge : l’histoire d’un auto-génocide, le long-métrage résonnera longtemps dans le cœur des spectateurs qui l’auront vu.

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