Maisons khmères en Bois : 1 500 ans de patrimoine architectural

Depuis plus de 20 ans, Hok Sokol et Darryl Collins mènent des recherches sur les maisons traditionnelles cambodgiennes en bois. Leurs années de voyage à travers le pays leur ont permis de compiler plusieurs ouvrages sur l’architecture khmère, dont le plus récent s’intitule « Maisons Khmères en Bois : 1 500 ans de patrimoines architectural », publié en français.

Avec ce livre désormais disponible en trois langues (anglais, khmer et français), Sokol souhaite maintenir vivante et faire prospérer la mémoire et la matérialité des maisons en bois cambodgiennes, adaptées au climat et aux conditions du pays, dans le monde d’aujourd’hui comme il l’a expliqué lors d’une interview.

Zul Rorvy : Tout d’abord, pourquoi avez-vous publié votre livre en anglais plutôt qu’en khmer ?

Hok Sokol : Il s’agit déjà de la deuxième édition de notre version anglaise. Notre première édition a été publiée au début de l’année 2022. Dans cette nouvelle version, nous avons modifié certaines sections qui avaient besoin d’être corrigées et ajouté de nouveaux contenus. Après avoir achevé cette deuxième édition en anglais, nous avons travaillé à sa traduction en khmer et en français.

Pourquoi avons-nous décidé d’en faire la première édition en anglais ? Mon coauteur, Darryl Collin, était australien. Lors de l’élaboration de la première édition, sa santé se détériorait déjà. Pour accélérer les choses, nous avons essayé de faire ce que nous pouvions, c’est-à-dire publier d’abord le livre en anglais. Malheureusement, il n’a pas vécu assez longtemps pour voir les versions khmère et française de son livre.

Zul Rorvy : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre ?

Hok Sokol : C’est une histoire assez longue, c’est le moins qu’on puisse dire. Elle a commencé il y a plus de 20 ans, alors que je rédigeais ma thèse sur le thème des maisons khmères en relation avec le secteur du tourisme. Cette thèse m’a amené à étudier les « habitations khmères et le tourisme » dans de nombreuses régions du Cambodge.

 

Shading Light on Khmer Wooden House
Thmey Thmey ; Ky Chamna

J’ai eu l’occasion de travailler avec mon ancien professeur [historien de l’art] Darryl Collin. C’est ainsi qu’en 2006, nous avons écrit un livre intitulé « Building Cambodia : New Khmer Architecture 1953 – 1970 » [avec l’architecte Helen Grant]. La même année, nous avons commencé à envisager un autre livre sur les maisons khmères en bois.

En 2006, Darryl Collin a quitté Phnom Penh pour s’installer à Siem Reap dans une vieille maison khmère traditionnelle en bois, achetée dans le village de Hanchey, dans la province de Kampong Cham. Nous avons démonté la maison avant de la remonter à Siem Reap. Lorsqu’il était à Siem Reap, nous pouvions nous rencontrer plus facilement pour élaborer les plans de notre livre.

Zul Rorvy : Était-ce un défi de compiler un livre aussi long et riche en informations ?

Hok Sokol : Je peux dire que ce n’est pas une tâche facile. On ne peut pas labourer tout le champ en un jour. Il faut commencer et travailler avec les moyens dont on dispose. Un grand nombre de recherches et de preuves doivent être rassemblées avant de commencer à écrire un tel livre. Nous avons passé des années à trouver des informations sur le terrain. Parallèlement, j’ai passé mes journées à travailler sur différents projets d’architecture et j’ai rencontré de nombreuses personnes dans des domaines connexes qui m’ont donné un aperçu des aspects techniques et religieux des maisons vernaculaires khmères.

Ce n’est qu’en 2015 que nous avons estimé avoir rassemblé suffisamment d’informations pour le livre. Nous avons rédigé neuf chapitres au total. Nous nous sommes partagé le travail, chacun écrivant quatre chapitres et un chapitre, le 9e, étant un travail commun.

Zul Rorvy : Vous avez donc visité presque toutes les provinces pour découvrir les maisons khmères en bois ?

Hok Sokol : Oui, j’ai voyagé dans presque toutes les provinces du Cambodge. Cependant, je me suis principalement concentré sur les maisons khmères en bois qui avaient le plus de potentiel. Nous nous sommes également rendus dans la province de Mondulkiri, dans le nord-est du Cambodge, pour étudier les maisons en bois des populations indigènes. Comme nous pensions que nous manquions encore d’informations sur ce domaine de recherche, nous ne l’avons pas inclus dans notre livre. Les maisons en bois sur lesquelles je me concentre principalement proviennent de provinces bien reliées aux rivières et aux fleuves, telles que Kratie, Kampong Cham, Siem Reap, Battambang, Kandal, Prey Veng et Kampong Thom. Ils sont riches en histoire lorsqu’on les observe dans le cadre du siècle dernier.

 

Shading Light on Khmer Wooden House
Thmey Thmey ; Ky Chamna

 

En outre, nous avons approfondi la géographie du Cambodge avec son environnement tropical riche en bois précieux. Nous avons également étudié l’utilisation commerciale des ressources en bois à l’époque coloniale française et l’utilisation du bois dans l’architecture ancienne, il y a 1 500 ans.

Zul Rorvy : D’après votre œil d’expert, les maisons ont-elles un aspect différent dans les différentes provinces ?

Hok Sokol : Oui, elles sont différentes. Les maisons sont construites pour répondre aux besoins des habitants. Les habitants de Kampong Cham vivront un peu différemment de ceux de Siem Reap. Dans la province de Kampong Cham, les villageois se concentrent davantage sur les activités commerciales liées au Mékong, aux médecines traditionnelles, au maïs, aux haricots, au sésame ou au tabac. Dans les provinces de Siem Reap et de Battambang, les gens se concentrent davantage sur la production de riz. Ce sont ces aspects commerciaux qui expliquent le mode de vie des habitants.

En se déplaçant vers le sud le long de la rivière, les habitants des provinces de Kratie ou de Kandal commercent souvent avec le Viêt Nam et la Chine, car ils vivent relativement près de la mer. J’ai donc remarqué que certains matériaux de construction, tels que les semelles de colonnes, étaient même importées depuis la Chine.

 

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Thmey Thmey ; Ky Chamna

Pour en revenir à Battambang, comme la province a été sous administration thaïlandaise pendant un certain temps, il y a eu plus ou moins d’influences architecturales de la Thaïlande. Quoi qu’il en soit, cette province possède une architecture qui lui est propre. Un mélange entre le style khmer ancien et récent, le style thaïlandais, le style européen et, plus récemment, le style français.

Zul Rorvy : Dans le chapitre 8, vous comparez les maisons en bois à quelque chose d’assez vivant. Vous les appelez « maisons vivantes ». Pourquoi ?

Hok Sokol : Pour les générations plus âgées, les maisons ont une valeur sentimentale. Le lien qui les unit à leur maison est très fort. On a l’impression que la maison est vivante. Par exemple, lorsqu’un ancien propriétaire n’a pas la capacité de s’occuper de sa maison, celle-ci cherche de nouveaux propriétaires. On dirait que les maisons « marchent » pour trouver de nouvelles personnes pour s’occuper d’elles. C’est le sens de cette idée.

 

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Thmey Thmey ; Ky Chamna

Depuis une vingtaine d’années, je souhaite simplement partager avec les Cambodgiens mes découvertes sur les maisons traditionnelles khmères en bois. Je veux montrer à quoi elles ressemblent, comment elle fonctionnent et comment se comportent les maisons khmères en bois. Bien sûr, nous n’avons pas pu nous concentrer sur les énormes maisons en bois luxueuses construites par des personnes fortunées pour afficher leur pouvoir. Nous avons mis en lumière des maisons historiques et pratiques, et non des maisons construites dans le seul but d’être un ornement. Les maisons perdront leur âme lorsque les gens cesseront de les utiliser.

Hok Sokol : Notre livre, en trois langues, sera disponible dans les principales librairies, certains cafés et quelques hôtels haut de gamme. De plus, nous nous préparons à ouvrir notre propre galerie pour présenter et mettre en vente nos produits. De plus, nous présenterons nos livres lors de la prochaine Foire nationale du livre qui se tiendra sur l’île de Koh Pich, à Phnom Penh, du 14 au 18 décembre.

 

Avec l’aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis la traduction cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

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