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Au Cambodge, l’inclusion bancaire passe par le téléphone mobile

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Au comptoir de Brown Coffee, une enseigne populaire à Phnom Penh, Malen vise avec son smartphone le QR code affiché près du comptoir. Puis elle tape la somme à régler sur l’écran. Elle y ajoute son code secret. Aussitôt, c’est payé. Le commerçant derrière son comptoir reçoit un message qui le confirme sur son propre appareil. « C’est vraiment pratique, je n’ai désormais plus d’argent liquide sur moi », dit la jeune femme, cadre dans le quartier d’affaires de la capitale où poussent les nouveaux centres commerciaux.

Le même geste est devenu familier pour un grand nombre de Cambodgiens. Il a aussi été adopté par les vendeurs de nourriture qui sont nombreux aux coins des rues. Le paiement par téléphone mobile tend à se généraliser au Cambodge. Ce n’est pas le seul endroit dans le monde où il se développe. Mais l’originalité du système cambodgien tient au fait qu’il a été piloté par la banque nationale, et non par des sociétés privées. Il est gratuit et est devenu un outil d’inclusion bancaire.

Ce système de paiement permet en effet de payer aussi bien depuis un compte bancaire que depuis un porte-monnaie électronique (un « wallet »), alors qu’une majorité de Cambodgiens ne sont pas bancarisés.

« Cela ouvre des possibilités nouvelles. Jusqu’ici, on n’avait jamais fait de prêt à un particulier sans compte bancaire. Mais désormais, cela devient possible car le wallet offre un historique de ses paiements. On peut donc vérifier qu’une personne reçoit un salaire deux fois par mois et lui ouvrir droit à un prêt », explique Jean-Pierre Gagnon, un Canadien devenu vice-président de la quatrième banque du Cambodge, la Sathapana.

Le nom vient d’un des temples d’Angkor

Le système créé par la banque centrale du Cambodge s’appelle le Bakong, du nom d’un des temples d’Angkor. Il a connu une adoption massive durant la pandémie de Covid, alors que les Cambodgiens se sont retrouvés confinés, et que le commerce physique s’est arrêté. Depuis, l’usage s’est répandu : « L’équivalent de 3,5 milliards de dollars a été payé en 2021 grâce au système Bakong, indique Khou Vouthy, directeur général adjoint de la banque centrale cambodgienne. Et durant le premier semestre 2022, c’est l’équivalent de 5,8 milliards de dollars. Désormais 40 % du PIB passe par ce moyen de paiement », calcule-t-il.

Le Bakong assure la sécurité des paiements en utilisant la blockchain, une technologie imaginée au départ pour les cryptomonnaies, comme le bitcoin. Les paiements sont acceptés jusqu’à une somme équivalente à 2 000 dollars (2 036 €).

30 000 agents dans tout le pays

Pour accéder au système, ceux qui n’ont pas de compte bancaire doivent se créer un portefeuille électronique chez un des multiples opérateurs privés qui proposent ce service. « Il existe 30 000 agents, dans tout le pays, qui acceptent les paiements physiques pour charger un wallet. On peut aller chez eux pour alimenter son portefeuille ou pour récupérer du cash », explique Khou Vouthy.

Le système a aussi été conçu pour faire reculer le dollar, plus utilisé au Cambodge que la monnaie locale, le riel.

Les banques privées locales semblent avoir traîné les pieds pour se ranger derrière le projet, car chacune avait développé son propre système. Mais le Bakong a un caractère plus universel. Et dans ce pays qui est longtemps resté à l’écart du développement, où 75 % de la population vit en zone rurale, il est devenu un symbole du saut technologique en cours. Au Cambodge, le téléphone fixe n’existe pas. Il ne couvre que 0,3 % de la population. Mais tous les Cambodgiens ont accès au réseau mobile. Le nombre de cartes SIM en circulation correspond à 120 % de la population. Les Cambodgiens sont nombreux à disposer de plusieurs cartes, pour profiter des tarifs les plus avantageux.

Le Bakong pas encore connecté aux pays voisins

Le Bakong a toutefois ses limites : pour l’instant il est impossible de faire des transferts d’argent depuis l’étranger en l’utilisant. C’est la prochaine étape du projet : « Nous discutons avec la banque centrale de Malaisie. Un million de Cambodgiens travaillent dans ce pays et ce sera un grand progrès s’ils peuvent envoyer plus facilement de l’argent, sans frais », explique Khou Vouthy.

Le système pourrait ensuite se développer avec le lancement d’une monnaie numérique de banque centrale, un e-riel. De nombreuses banques centrales dans le monde s’interrogent sur l’opportunité de créer une monnaie numérique, pour ne pas laisser la voie libre aux monnaies digitales privées, comme celle que Facebook a voulu lancer durant un temps. La Chine est le pays le plus avancé dans ce domaine, avec une expérimentation au niveau local. Mais si le Cambodge décide de suivre, il aura déjà créé toute l’infrastructure : « On a posé les rails, dit Jean-Pierre Gagnon. Et il sera facile de faire rouler dessus un nouveau véhicule monétaire. »

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