De la surveillance parlementaire au Cambodge

Cette évaluation fait partie d’une enquête portant sur 10 pays réalisée par Transparency International (TI). Les résultats sur le Cambodge portent sur la surveillance parlementaire au cours du dernier mandat législatif de 2018 à 2023. Aucun cas significatif de « surveillance parlementaire efficace » n’a été identifié dans le pays pendant cette période.

La domination d’un seul parti à l’Assemblée nationale, « associée à la mainmise étroite du Premier ministre Hun Sen au sein du parti lui-même, constitue un défi remarquable pour garantir la responsabilité parmi les membres du Parlement »,  peut-on lire dans le rapport.

Les partis d’opposition, une garantie démocratique 

Pech Pisey, directeur exécutif de TI Cambodia, a souligné l’importance d’avoir des partis d’opposition au Parlement pour assurer une surveillance du pouvoir dans une société démocratique. Sans ces partis, a-t-il expliqué, d’importants enjeux nationaux ne seront pas traités. « Nous devons nous assurer que lors de chaque élection, au moment où les gens choisissent leurs dirigeants, nous créons une atmosphère où les partis non gouvernementaux peuvent concourir de manière égale, libre et juste pour que les gens puissent choisir le parti pour leurs représentants au Parlement », a-t-il déclaré.

Les législateurs devraient être les représentants des citoyens, mais de son point de vue, de nos jours, ils ne seraient que les représentants du parti.

 

Une surveillance quasi inexistante des parlementaires…

Selon l’évaluation, la loi cambodgienne accorde des pouvoirs limités de surveillance aux membres du Parlement, tels que le droit de poser des questions aux fonctionnaires gouvernementaux et l’obligation pour le Premier ministre et les fonctionnaires de répondre. Cependant, les dispositions légales ne précisent pas si les parlementaires doivent faire un suivi des activités de surveillance, ni ne prévoient de conséquences pour les fonctionnaires qui ne répondent pas aux questions.

Le rapport souligne aussi que, bien qu’il existe des protections légales pour les membres du Parlement, elles ne garantissent pas leur immunité contre d’éventuelles poursuites judiciaires. De plus, les règles dans les comités ne sont ni clairement établies ni explicitées (quotas pour les minorités dans les comités, le droit d’établir un comité chargé de contrôler le pouvoir exécutif ou le droit d’ajouter un rapport dissident aux conclusions d’un comité). 

 

… et des lois 

Le Cambodge dispose également de peu de mesures législatives pour évaluer l’efficacité et les conséquences des lois déjà adoptées.

En ce qui concerne le budget national, les discussions à l’Assemblée nationale sont « caractérisées par leur superficialité car le budget reste largement incontesté par les députés », précise le rapport. Les documents budgétaires ne sont pas souvent mis à la disposition du public ou ne sont pas vulgarisés et restent complexes à comprendre. L’évaluation ajoute qu’il n’est pas clair si l’Assemblée nationale peut légalement modifier le budget sans le consentement du Ministre de l’Économie et des Finances, ou si les arrangements de la dette nécessitent l’approbation des députés.

 

Les législateurs du CPP assistent à une réunion de l'Assemblée nationale le 28 juillet 2022. (CamboJA/Pring Samrang)
Les législateurs du CPP assistent à une réunion de l’Assemblée nationale le 28 juillet 2022. (CamboJA/Pring Samrang).

Sans un parti d’opposition viable, la critique du parti au pouvoir a largement été laissée aux organisations de la société civile. Le rapport souligne que le Parlement n’interagit qu’avec ces groupes que de manière limitée, et généralement avec ceux axés sur des projets de développement ou des organisations qui ne critiquent pas le gouvernement. Le rapport indique alors que peu d’attention est offerte aux organisations qui se concentrent sur les droits de l’homme et la promotion de la démocratie.

« Le gouvernement ne peut pas garantir une transparence de qualité car il n’y a pas de contrepoids au pouvoir, surtout en l’absence d’un parti d’opposition », a déclaré le juriste Vorn Chanlout. « Depuis la dissolution du Cambodia National Rescue Party  (CNRP), les actions du gouvernement vont à l’encontre de la Constitution” ajoute t-il. 

Si le gouvernement représentait la volonté du peuple, le pays pourrait s’améliorer et les gens pourraient vivre en paix, a-t-il dit. Actuellement, selon Chanlout, les législateurs n’incarnent pas le peuple et n’autorisent pas que les voix minoritaires s’élèvent. 

 

Un rapport contesté par le Parti du Peuple Cambodgien (CPP)…

Pour Sok Eysan, porte-parole du CPP, les conclusions de TI Cambodia ne seraient pas conformes à la réalité.

« Ce rapport est politiquement biaisé et incohérent. Par conséquent, l’évaluation d’un Parlement très faible [au Cambodge] ou d’un Parlement à un seul parti n’est pas transparente« , a-t-il déclaré. « Tant l’Assemblée nationale que le Sénat remplissent leurs rôles tels que définis dans la Constitution et les règlements. »

« Les représentants politiques sont compétents pour résoudre promptement les problèmes qui touchent la population et pour surveiller la mise en œuvre des lois” a-t-il déclaré. “S’il était correct, le rapport de TI Cambodia, montrerait que l’Assemblée nationale ne serait pas en mesure de remplir ses responsabilités ou de bénéficier du soutien du peuple et du parti au pouvoir”.

 

… mais approuvé par Candlelight, un parti d’opposition

Kimsour Pirith, porte-parole du parti Candlelight, a déclaré qu’il était d’accord avec les conclusions de TI Cambodia car il n’y a pas de partis d’opposition pour représenter les voix minoritaires ou surveiller les actions du gouvernement.

« La dissolution [du CNRP] a affecté la voix de l’opposition à l’Assemblée nationale, la vie des gens et a été une injustice à leurs droits fondamentaux », a-t-il confié. « L’absence d’opposition politique rend difficile pour le Parlement de maintenir son rôle et ses valeurs et de devenir une institution active dans une démocratie libérale et multipartite. »

Les élections de juillet ont été critiquées par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’UE, l’Allemagne, le Japon et l’Australie. Des analystes de l’ONU ont déclaré que l’interdiction du parti Candlelight et le harcèlement des opposants par les élites au pouvoir avaient « déformé » le processus électoral au Cambodge.

 

La présence du FUNCINPEC à l’Assemblée nationale brise la mainmise complète du CPP

Le parti royaliste Funcinpec a remporté cinq sièges à l’Assemblée nationale, les 120 restants revenant au CPP au pouvoir, mettant fin au Parlement à un seul parti au Cambodge Pourtant, selon l’analyste politique Em Sovannra, la présence du Funcinpec ne constitue pas une garantie de contre-pouvoir, même si elle représente une amélioration par rapport à la législature précédente dominée par un seul parti.

« Malgré les cinq sièges détenus par le Funcinpec, leur capacité d’action en matière de surveillance reste limitée. Ce mandat n’est pas simple pour eux », a-t-il expliqué.

Toutefois, le porte-parole de Funcinpec, Nhoeurn Raden, a déclaré à CamboJA News que Funcinpec avait des politiques et des stratégies claires pour le septième mandat législatif afin de faire entendre les voix du peuple au Parlement.

« Même si le Parti Funcinpec n’a que cinq sièges au Parlement et que nous avons du mal à débattre, avec les cinq sièges offerts par le peuple, nous essaierons de débattre davantage au Parlement, notamment dans les commissions », a-t-il déclaré, précisant que Funcinpec avait des membres dans quatre des dix commissions parlementaires. « Toutes les lois et tous les problèmes sont discutés vigoureusement” indique t-il. 

Quant au  porte-parole de l’Assemblée nationale, Leng Peng Long,il n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes de CamboJA. 

 

SEOUNG Nimol, RUNN Sreydoth

et un complément d’informations de Leila GOLDSTEIN.

Cet article a été initialement publié sur CamboJA News. Nous les remercions de rendre accessible ce contenu au lectorat francophone.

 

 

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