Une succession dynastique cambodgienne digne de la Corée du Nord. Le roi du Cambodge, Norodom Sihamoni, 70 ans, a officiellement nommé lundi 7 août Hun Manet, 45 ans, au poste de premier ministre, succédant à son père Hun Sen, 71 ans, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant trente-huit ans. Il ne reste plus maintenant à Hun Manet qu’à former son gouvernement et obtenir le 22 août un vote de confiance du Parlement qu’il n’aura aucun mal à obtenir car il est dominé par le parti au pouvoir dirigé par son père. Lequel avait déjà prévenu depuis des mois que son fils Manet le remplacerait.
Quelques jours après une victoire écrasante aux élections législatives controversées en juillet – opposition muselée et presse bâillonnée –, Hun Sen a annoncé démissionner de son poste de premier ministre au bénéfice de son fils, prédestiné à assumer cette première transition du pouvoir depuis près de quatre décennies. Hun Manet, général quatre étoiles, s’est formé au Royaume-Uni et à l’académie militaire américaine de West Point où il fut le premier Cambodgien à obtenir son diplôme en 1999. Il dirigeait l’armée de terre cambodgienne depuis 2018.
Diplômé des meilleures universités du monde
Depuis son plus jeune âge, Hun Sen attendait beaucoup de lui. Hun Manet s’est marié à la fille d’une personnalité politique de premier plan. Alors étudiant à West Point, il avait donné une interview au Phnom Penh Post dans laquelle il déclarait que son père lui avait dit : « Tu me succéderas à mon départ. » Il ajoutait que sa volonté était de « muscler l’armée » et « redorer l’image du Cambodge ». Hun Manet a poursuivi ses études à l’étranger en obtenant un diplôme d’économie à l’université de New York en 2002 et un doctorat en économie de l’université de Bristol au Royaume-Uni en 2008. En parallèle, il grimpait tous les échelons au sein de l’armée cambodgienne. Il a eu des responsabilités au sein de l’unité spéciale des gardes du corps de son père, a rejoint l’unité antiterroriste et a obtenu sa quatrième étoile de général en début d’année.
Mais le titre de premier ministre ne signifie pas que Hun Manet aura les mains libres. Hun Sen « continuera à tirer les ficelles » du pouvoir au Cambodge, a affirmé à l’Agence France-Presse son principal opposant Sam Rainsy, exilé en France depuis 2015. Hun Sen assure que cette succession dynastique est faite pour maintenir la paix et éviter une « effusion de sang » au cas où il vienne à mourir en fonction. Mais Hun Sen a clairement fait savoir qu’il avait l’intention de conserver son influence, même après son départ, écartant ainsi tout changement d’orientation. Il exercera désormais les fonctions de président du Sénat, numéro deux dans le protocole après le roi Norodom Sihamoni, qu’il remplacera comme chef de l’État lorsque celui-ci sera à l’étranger. Sous le règne de Hun Sen, le Cambodge a opéré un rapprochement notable avec la Chine.
Sebastian Strangio, auteur d’un ouvrage sur le Cambodge sous Hun Sen, estime que Hun Manet a assez « peu démontré qu’il allait faire plus que des changements cosmétiques au système politique actuel ». Sans le soutien de son père, il n’est pas sûr qu’il puisse apporter du changement même s’il le voulait. Il ne s’est pas encore frotté à l’arène politique, remarquait aussi ce mois-ci l’analyste Ou Virak, jugeant que le futur dirigeant, marié et père de deux filles et d’un garçon, a surtout été élevé à la petite cuillère, et que celle-ci était dorée.
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