Des dizaines de milliers de familles vivant près du célèbre site vont être expulsées par les autorités locales.
Au Cambodge, 10.000 familles vivant près des temples d’Angkor vont être expulsées par le gouvernement. Quelque 120.000 personnes habitaient en 2013 les 400 km2 de la zone protégée – soit six fois plus que vingt ans plus tôt. Les autorités locales assurent que cette expansion de la population, parallèle à celle du tourisme, menace l’intégrité du site. En cause : les déchets générés et l’usage excessif de l’eau.
Le gouvernement compte reboiser les espaces jusqu’alors occupés par des maisons de fortune, sans eau courante ni tout-à-l’égout, et parfois privées d’électricité. Leur programme de relogement ne concerne pas les populations installées depuis des générations, et repose sur la base du volontariat, ont-elles insisté. Elles espèrent avoir terminé d’ici juin.
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«Nous sommes impuissants»
Chan Vincent fait partie de ces délogés. Le peintre habite et travaille à 500 mètres des célèbres ruines classées au patrimoine mondial de l’Unesco, d’où il tire son inspiration pour les œuvres qu’il vend aux touristes. Bientôt, il devra quitter, à contrecœur, ce bout de terrain qu’il occupe depuis sept ans. Une fois sa maison démolie, il déménagera avec sa famille à Run Ta Ek, à 25 kilomètres d’Angkor. Loin des parcours empruntés par les touristes, s’inquiète l’artiste qui craint pour son gagne-pain. Là-bas, des engins de terrassement s’activent sur les terres autrefois dédiées à la culture du riz pour mettre en œuvre les promesses des autorités : une école, une clinique, un marché couvert, une pagode… Les nouveaux résidents reçoivent un droit de propriété sur un lopin de 20 mètres sur 30, 350 dollars, une carte de santé et de la tôle pour le toit de leur future maison, qu’ils doivent bâtir eux-mêmes.
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Heav Vanak, 51 ans, qui a perdu une jambe à cause d’une mine, regarde son petit-fils jouer dans la poussière, sous la bâche d’un site en construction. «Je n’ai pas assez d’argent pour acheter les matériaux nécessaires à la construction de ma nouvelle maison», explique-t-il. «Nous sommes impuissants. Comment pouvons-nous protester?», souffle-t-il. «C’est un endroit vivable», se défend Long Kosai, le porte-parole de l’organisme public gérant le site (Apsara). Les familles sont «heureuses de déménager», insiste-t-il, rappelant les perspectives d’emploi permises par l’ouverture prévue en octobre d’un nouvel aéroport international à Siem Reap, la grande ville qui jouxte Angkor.
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Préserver un joyau culturel ou les populations ?
Les temples d’Angkor, qui accueillaient plus de deux millions de visiteurs étrangers en 2019, se préparent au retour en force des touristes, avec la fin des restrictions de voyage liées au Covid-19. Si le site n’est pas bien protégé, «dans le futur, notre Angkor Wat sera retiré de la liste du patrimoine mondial», auquel il figure depuis 1992, avait prévenu en septembre le Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis près de quarante ans.
L’Unesco s’était inquiétée en 2008 des risques liés au développement urbain. Mais l’organisme assure dans un communiqué n’avoir jamais appelé au déplacement de populations locales. Selon les orientations de l’Unesco, les relogements doivent être conduits avec le consentement des personnes concernées, et les communautés locales doivent être les premières bénéficiaires du tourisme. Cette question sensible s’est posée ailleurs, comme à Pétra en Jordanie, ou à Louxor en Egypte.
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