Khieu Samphan « avait connaissance directe des crimes et il partageait l’intention de les commettre avec les autres participants de l’entreprise criminelle commune » qui a tué près de deux millions de personnes entre 1975 et 1979, a rappelé le juge Kong Srim.
Les accusations qui le visaient sont associées à « certains des actes les plus haineux » de la dictature ultra-maoïste, a insisté le président de la Chambre de la Cour suprême.
Khieu Samphan a assisté au jugement, au tribunal, sur son fauteuil roulant, écoutant le prononcé de deux heures et demie par un casque audio.
Il a déjà été condamné à la perpétuité en 2014 – verdict confirmé en appel en 2016 – pour des crimes contre l’humanité commis lors de l’évacuation forcée des habitants de Phnom Penh, dans le premier volet de son procès fleuve, démarré en 2011.
Près de 500 personnes, dont des familles de victimes, des moines bouddhistes et des diplomates, ont assisté à l’audience, un « jour historique » selon le porte-parole de la Cour Neth Pheaktra.
Troisième dignitaire condamné
« Je suis contente d’être ici pour écouter le verdict. Je réclame la justice pour toutes les victimes parce qu’elles ont tellement souffert. Le régime de Pol Pot était tellement brutal », a déclaré You Soeun, 67 ans, qui a perdu son frère durant la période khmère rouge.
Khieu Samphan, l’un des rares visages publics du régime, a toujours nié son implication dans les faits qui lui sont reprochés, notamment dans le génocide contre les Vietnamiens.
« La Chambre de la Cour suprême ne reconnaît aucun mérite dans les arguments de Khieu Samphan au sujet du génocide, et les rejette », a indiqué Kong Srim.
Ce chef d’accusation ne concerne pas les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.
Khieu Samphan est le troisième dignitaire khmer rouge à être condamné par cette Cour spéciale, composée de magistrats cambodgiens et internationaux.
Kaing Guek Eav, alias Douch, a été condamné à la perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’ancien tortionnaire, chef du plus redoutable centre de détention du pays à l’époque, S21, est mort en 2020, à 77 ans.
Réconciliation
Les juges ont infligé la même sentence à Nuon Chea, l’idéologue du mouvement, pour génocide, contre les Vietnamiens et les musulmans chams, et crimes contre l’humanité. Il est décédé en août 2019 à l’âge de 93 ans.
« Frère numéro un », Pol Pot est, lui, décédé en 1998, sans être jugé.
Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) s’apprêtent désormais à fermer leurs portes sans avoir dissipé les controverses qui les minent depuis le début.
L’abandon ces dernières années des poursuites contre trois personnes accusées de génocide ou de crimes contre l’humanité a rappelé leur fragilité dans un pays dirigé par un ancien commandant khmer rouge repenti, Hun Sen, qui s’est prononcé contre tout nouveau procès au nom de la stabilité nationale.
Son coût, plus de 330 millions de dollars, rapporté au nombre de condamnations, a également alimenté les suspicions.
Mais les juges ont réussi à « redynamiser le processus de réconciliation nationale », nuance Craig Etcheson, un expert du pays qui a témoigné à l’un des procès. Participation du public, nombreux témoignages… « En seize ans, il y a eu d’énormes progrès », explique-t-il.
Son fonctionnement doit servir de « modèle pour poursuivre les crimes graves et massacres dans le futur au niveau international », a affirmé Bin Chhin, Premier ministre adjoint du Cambodge, dans une conférence de presse donnée à l’issue du prononcé.
Sa dernière affaire close, la Cour doit se dissoudre en 2025, après avoir terminé son travail d’archivage, entre autres.
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