(Phnom Penh) Dans une rue poussiéreuse de Phnom Penh, quelques militants juchés sur des tuk-tuks blancs, équipés de mégaphone et de banderoles, tentent d’attirer les suffrages pour leur parti d’opposition, l’un des rares en lice dans une élection qui paraît jouée d’avance au Cambodge.
Le 23 juillet, le pays renouvellera ses 125 députés et les chances très infimes pour le très confidentiel Parti démocrate de terrain (GDP), alors que l’Assemblée sortante est totalement acquise au régime, et que le scrutin est vu comme un simulacre de démocratie par les observateurs.
Le premier ministre Hun Sen dirige le pays d’une main de fer et est accusé d’avoir fait reculer les libertés et utilisé le système judiciaire pour museler ses adversaires.
« Nous avons pour mission de restaurer la démocratie », déclare le président du GDP, Yeng Virak.
Lors du dernier scrutin national en 2018, le Parti du peuple cambodgien (CPP) de Hun Sen avait remporté tous les sièges après la dissolution par un tribunal du principal parti d’opposition.
Cette fois, c’est le Parti de la bougie, seul rival crédible de Hun Sen, qui a été exclu de la course pour ne pas s’être enregistré correctement auprès de la commission électorale.
Pour les 17 partis encore en lice, difficile de rivaliser avec le CPP, capable de réunir des dizaines de milliers de partisans équipés de t-shirts et de casquettes offertes.
Une élection à sens unique
La campagne du GDP est modeste : défilé à motos, messages sur les réseaux sociaux et tracts à l’ancienne.
« Nous voulons simplement faire de notre mieux pour atteindre les gens », explique Yeng Virak.
Mais depuis l’année dernière, le parti a perdu plusieurs de ses dirigeants au profit du CPP, notamment l’ancien candidat au poste de premier ministre qui a rejoint le gouvernement.
Certaines voix estiment que Hun Sen serait prêt à laisser quelques sièges lui échapper au parlement afin de faire croire à un semblant de pluralité.
« Mais cela ne tromperait personne, le Cambodge serait toujours un état à parti unique », a déclaré Sam Rainsy, figure de l’opposition en exil en France.
Syndicaliste très populaire et recrue vedette du Parti de la bougie en février dernier, Rong Chhun, 54 ans, rêvait d’affronter enfin Hun Sen dans les urnes.
Cela aurait été le combat de sa vie, lui qui a connu deux séjours en prison. Il est l’une des bêtes noires du premier ministre qui dirige le Cambodge d’une main de fer depuis 38 ans.
« Ai-je peur de lui (Hun Sen) ? C’est un khmer et moi aussi. Il n’y a aucune raison que j’aie peur d’un citoyen khmer », a déclaré Rong Chhun.
Observant la campagne depuis le banc de touche, Rong Chhun ne peut même pas appeler au boycottage de l’élection, car Hun Sen vient d’en faire un délit.
« Quand je me promène à Phnom Penh, je dois être très prudent. Les voyous peuvent utiliser des barres de métal, des bâtons ou des pierres pour nous attaquer », ce qui est arrivé à huit membres du Parti de la bougie.
Vers un régime dynastique
Plus de 30 ans après l’accord de paix qui a mis fin aux décennies de violences du régime génocidaire des Khmers rouges, la démocratie cambodgienne est en perte de vitesse, selon les experts.
Hun Sen, aux rênes du royaume depuis 38 ans, a désigné son fils Hun Manet comme son successeur, sans donner de date.
« Le Cambodge ressemble davantage à la Corée du Nord qu’à une véritable démocratie », déclare Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie de Human Rights Watch.
Le chef de l’opposition, Kem Sokha, a été condamné en mars à 27 ans d’assignation à résidence pour trahison et des dizaines d’autres personnes ont été condamnées dans le cadre d’un procès de masse pour d’autres chefs d’accusation, notamment incitation et conspiration.
La communauté internationale s’abstient de critiquer Hun Sen trop ouvertement par peur que cela ne le pousse encore davantage dans les bras de la Chine, explique Hervé Lemahieu, spécialiste de l’Asie du Sud-Est au groupe de réflexion Lowy Institute.
Le parti au pouvoir, lui, nie toute conspiration contre l’opposition et assume le style autoritaire du régime.
« Les critiques négatives à l’encontre de nos dirigeants ne nous atteignent pas. Comme le dit le proverbe : “Les chiens aboient, la caravane passe” », a déclaré à l’AFP le porte-parole du CPP, Sok Eysan.
De retour sur le terrain, certains électeurs semblent lassés du choix limité qui leur est proposé.
« Je n’irai pas voter », a déclaré à l’AFP un chauffeur de tuk tuk.
« Hun Sen boxe seul sur le ring ».
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