Pourquoi, malgré l’existence d’un vaccin pour les chiens et d’un traitement pour les humains, le fardeau de la rage reste-t-il toujours aussi élevé ? Aux côtés des Instituts Pasteur du Cambodge (IPC) et de Madagascar (IPM), le Cirad développe une démarche « One health » pour réduire la mortalité de cette maladie tropicale négligée.
95 % des cas mortels recensés sur la planète se situent en Afrique et en Asie. Le Cirad contribue ainsi à l’objectif « Zero by 30 » pour en finir avec la mortalité humaine due à la rage d’ici 2030. Ce plan stratégique mondial émane de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), de la FAO et de l’Alliance mondiale pour le contrôle de la rage (GARC). Il cible la rage transmise par les chiens, car 99 % des cas de rage humaine résultent d’une morsure par un chien enragé.
Une vaccination canine ciblée pourrait être la solution
Au Cambodge le Cirad et l’IPC ont montré qu’une vaccination ciblée, qui permet à la fois d’économiser des doses de vaccins et du temps, pourrait suffire à éliminer la rage. « C’est sans doute le cas dans d’autres pays avec un profil démographique de chiens similaires au Cambodge, commente Hélène Guis, épidémiologiste au Cirad, mais les études et données ne sont actuellement pas suffisantes pour le prouver ».
Ces conclusions résultent de plusieurs études. Récemment, le Cirad et l’IPC ont démontré que la circulation de la rage au sein des chiens dans le pays est étroitement liée à l’écologie des populations canines locales et non pas à de potentielles introductions virales en provenance des pays voisins.
D’autres travaux ont permis de mieux comprendre les relations entre humains et chiens, d’estimer la taille de la population canine et ses paramètres démographiques. Ces connaissances sont indispensables à la mise en œuvre de campagnes de vaccination efficaces et réalisables. Des travaux de modélisation combinant sérologie et écologie canine sont d’ailleurs en cours de publication pour optimiser les schémas de vaccination. Ces activités de recherche sont aussi menées au niveau régional (Cambodge, Thaïlande, Indonésie) dans le cadre du Dispositif en partenariat GREASE.
Les scientifiques se sont également intéressés aux contraintes qui limitent l’accès au traitement post-exposition (prophylaxie post-exposition, PPE) des Cambodgiens. L’ensemble de ces données permet d’identifier les zones où l’ouverture de nouveaux centres de PPE serait le plus utile.
2 nouveaux projets au Cambodge
Deux nouveaux projets ont débuté en 2023 sur la rage au Cambodge associant le Cirad et l’IPC.
Les activités du premier projet, réalisé dans le cadre d’une thèse co-encadrée par le Cirad et l’IPC se composent de trois volets :
- L’étude de 24 années de données sur les patients bénéficiant de PPE au Cambodge pour caractériser l’évolution temporelle et spatiale de ces populations, et en particulier l’impact de l’ouverture de nouveaux centres de PPE dans le pays
- La modélisation et cartographie de la distribution de la population canine à l’échelle nationale
- La modélisation du fardeau de la rage intégrant le nouveau paysage d’offre de PPE, la distribution des populations canine et l’impact de la distance sur l’accès à la PPE.
Le deuxième projet, KAP Rabies, financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) français via le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), réalisé en collaboration avec les ministères cambodgiens de la Santé publique et de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche vise à évaluer les connaissances, attitudes, pratiques et besoins de formation des professionnels de santé humaine et animale sur la rage et sa prophylaxie. Elle comprend également un volet de formation des personnels de santé et un volet sensibilisation sur la rage de la population.
1000 décès humains par an à Madagascar
À Madagascar, une collaboration entre les universités de Princeton, de Glasgow, d’Antananarivo, de l’IPM, des ministères de la Santé publique et de l’Agriculture et de l’Élevage et du Cirad ont permis d’estimer que la rage entraînait près de 1000 décès humains par an à Madagascar. La réduction du fardeau ne pourrait se faire qu’en combinant amélioration de l’accès aux centres de traitement antirabiques (CTAR) avec des campagnes de sensibilisation de la population, des campagnes de vaccination canine et un renforcement de la surveillance.
Les scientifiques ont identifié des zones où la communication intersectorielle doit être améliorée. Une enquête auprès des vétérinaires du pays révélé des barrières financières relatives au recueil, au conditionnement et à l’envoi de prélèvements d’animaux suspect ainsi que des freins socioculturels, notamment sur les tabous autour des chiens dans certaines ethnies. D’après une autre enquête, les CTAR respectent très bien le protocole de PPE, mais il existe une très forte hétérogénéité entre les 31 CTAR du pays en termes de nombre de patients traités, de formations reçues ainsi que des problèmes de rupture de stock et de moyens de stockage des vaccins.
Seuls 15 % des Malgaches connaîtraient l’existence des centres antirabiques
Une étude menée par le Cirad, l’IPM et les ministères malgaches de la Santé publique et de l’Agriculture et de l’Élevage sur les connaissances, attitudes et pratiques (CAP) dans la région d’Alaotra-Mangoro a montré que seulement 15 % de la population connaissait l’existence des CTAR et que les connaissances et les pratiques étaient moins bonnes en zones rurales. Des messages de sensibilisation sur la rage ont été diffusés dans plusieurs localités rurales de la région du Menabe entre deux phases d’enquêtes CAP et ont révélé une amélioration des niveaux de compréhension des populations, passant de 27 % à 66 % de bonnes réponses. Les spots vidéo diffusés sur divers supports ont eu le plus grand impact sur les populations sensibilisées, touchant 85,6 % d’entre elles. Cette étude montre donc que les campagnes de sensibilisation doivent se baser sur les moyens de communication adaptés au contexte local et s’assurer d’atteindre les communautés rurales qui ont de moins bonnes connaissances et pratiques envers la rage.
À Madagascar, un nouveau projet financé par le MEAE français via le FSPI, co-coordonné par le Cirad et l’IPM vient de démarrer. Il permettra de réduire la mortalité humaine due à la rage dans la capitale Antananarivo. Ses leviers d’actions portent sur le renforcement de la surveillance de la maladie chez l’homme et le chien, sur une meilleure connaissance de la démographie des populations canines et sur l’augmentation de la couverture vaccinale de ces populations. Ce projet est mis en œuvre en collaboration avec la Direction des services vétérinaires malgaches (DSV), la Direction de veille sanitaire, de surveillance et de riposte (DVSSER), la Direction des études, de la planification et du système d’information du Ministère de la Santé publique (DEPSI) et l’ONG Mad Dog Initiative (MDI). Il s’inscrit dans le Dispositif en partenariat One Health-Océan indien.
{link} Ce post a été trouvé sur internet par notre rédaction voici la source Source