Il y a quarante ans, en janvier et février 1992, le Conseil de Sécurité de l’ONU approuvait, à l’unanimité, la création de l’Autorité provisoire des Nations unies pour le Cambodge (APRONUC.). Cette création était l’aboutissement des « Accords de Paris », qui, signés trois mois plus tôt, le 23 octobre 1991, devaient enclencher les négociations d’une paix au Cambodge.
Depuis 1970 – plus de 20 ans ! -, le pays était déchiré par la violence barbare et la guerre civile entre quatre « factions » : les Khmers Rouges de sinistres mémoires, les « sihanoukistes », les nationalistes de Son Sann, et les partisans du régime en place à Phnom-Penh. Ces belligérants paraissaient irréconciliables.
Cette « paix » cambodgienne, pour partie redevable à la fin de la Guerre Froide et au retrait des troupes vietnamiennes du Cambodge en septembre 1989, méritait plus que jamais d’être revisitée et analysée, d’autant que le conflit ukrainien est, aujourd’hui, en passe de ressusciter cette… Guerre Froide !
Au cœur de la diplomatie
Philippe Coste, premier ambassadeur de France à Phnom-Penh au lendemain du cessez-le-feu de juin 1991 entre les quatre factions, vient, très opportunément, de publier « À l’ombre des Khmers Rouges, souvenirs d’une ambassade peu ordinaire (1991-1993) ». Il fut, en effet, un témoin privilégié, d’abord de la situation du Cambodge à cette époque, ensuite de l’application des Accords de Paris sous la tutelle de l’ONU, enfin de l’organisation d’élections en vue d’inaugurer une « démocratie cambodgienne ».
Il fallait, dans ces années-là, avoir le cœur bien accroché pour circuler dans les rues de Phnom-Penh. À chaque carrefour important, il y avait des charniers entourés de grillages, un rappel glaçant du génocide des Khmers Rouge… Plus d’un million de morts. Au cœur de cette atmosphère, « la vie était monacale, écrit Coste, exclusivement vouée aux questions innombrables, liées de près ou de loin au processus de paix. Elles nous assiégeaient toute la journée, sept jours sur sept ». Et de nous offrir quelques subtils, et souvent savoureux, portraits des principaux acteurs de ce processus. Le prince Norodom Sihanouk ; Khieu Samphan, un Khmer Rouge « modéré » ; Son Sann « réputé pro-americain » ; les principales figures de la délégation onusienne ; et bien sûr les émissaires de Pol Pot, l’inoubliable leader des Khmers Rouges.
Une intervention des Nations Unies unique
Mais l’enseignement essentiel de cet ouvrage renvoie aux Accord de Paris et à l’action de l’APRONUC. Si les résultats espérés doivent, quarante ans plus tard, être nuancés, si la stabilité du Cambodge est encore fragile, Philippe Coste a raison de souligner que « l’intervention des Nations Unies au Cambodge, est restée unique : elle n’avait pas de précédent et n’a pas eu de réplique… Elle témoigne d’un moment miraculeux de la solidarité et de la coopération internationale où les principales puissances ont, pour quelque temps, communié dans le même corpus de valeurs ».
Ce même « miracle » pourrait-il se renouveler à propos du drame ukrainien ? Oserait-on imaginer que l’ONU parvienne, comme en 1992, à initier un dialogue Poutine-Biden-Zelinski sous la houlette de Macron ?
Bref, voilà un livre qu’il faut lire, et que devraient lire nos dirigeants actuels pour redécouvrir l’obstination et la philosophie qui présidèrent aux Accords de Paris.
« À l’ombre des Khmers Rouges. Souvenirs d’une ambassade peu ordinaire (1991-1993) ». Philippe Coste. Ginkgo éditeur. 200 pages. 18 €.
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