Le projet de code de conduite pour les arbitres dans les différends internationaux relatifs aux investissements : un fruit à portée de main ou juste un amuse-gueule ?

Dans la forêt des délibérations sur la réforme au Groupe de travail III de la CNUDCI (Réforme ISDS), l’élaboration d’un projet de Code de Conduite pour les décideurs dans les différends relatifs aux investissements (projet de code) était considérée comme un fruit à portée de main. Délégués et commentateurs du GTIII A fréquemment utilisé cette métaphore pour réfléchir au consensus parmi les principales parties prenantes que le Code devrait pouvoir être atteint en tant qu’instrument complet, universel et contraignant. Cependant, à l’issue des délibérations, le projet de code a été scindé en deux instruments (un pour les arbitres et un pour les juges dans les tribunaux d’investissement permanents) et finalisé alors que le temps s’écoulait comme un compromis durement gagné. Le processus de rédaction a révélé toutes les complexités et les tensions sous-jacentes susceptibles d’entraver les progrès, même sur les options de réforme largement acceptées.

Bien que la portée et les dispositions essentielles du projet de code aient déjà été analysées en détail ici, cet article mettra en évidence les défis et les compromis qui ont surgi lors de sa négociation et de sa rédaction, en les plaçant dans le contexte plus large du processus de réforme du RDIE. Ces observations seront complétées par les leçons éventuelles qui peuvent être tirées du parcours du projet de code pour les instruments poursuivis dans d’autres domaines de la réforme.

Projet de code de conduite : de l’unité à la bifurcation

Au cours des discussions préliminaires du GTIII, il n’était pas controversé que le projet de code réponde à toutes les principales préoccupations identifiés par le GTIII et s’appliquent communément aux arbitres ad hoc dans les procédures ISDS et éventuellement aux juges d’un tribunal multilatéral des investissements (MIC) que l’Union européenne (UE) a farouchement promu comme une réforme systémique pour l’ISDS. En ce sens, le projet de code serait viable quelles que soient les implications et la dynamique plus larges du processus de réforme du RDIE. Dans le même temps, les partisans de la réforme systémique ont fait remarquer que le projet de code est en effet un « fruit sain et facile à portée de main » mais qu’il n’est qu’un « apéritif » alors que l’UE attend l’établissement du MIC comme « plat principal ».

Plutôt que de retarder l’adoption du projet de code de conduite à la recherche d’un instrument harmonisé et universel, le GTIII a choisi d’aller de l’avant et présenter le Code de conduite des arbitres à la Commission CNUDCI en juillet 2023 pour adoption, et de soumettre le Code de conduite des juges pour adoption en principe, en attendant sa finalisation à un stade ultérieur. Les dispositions finales du ou des projets de code(s) supposent un exercice d’équilibre délicat, reflétant les arbitrages et compromis qui ont marqué les délibérations et le processus de rédaction. Une telle approche était nécessaire à la lumière de la dynamique plus large de la réforme du RDIE.

Rédaction d’un code de conduite dans un processus polarisé de réforme du RDIE

Bien que les points de vue des délégations du GTIII aient divergé sur la portée et la terminologie de certaines dispositions, un code unifié a été considéré comme une étape réalisable et non controversée dans le processus de réforme du RDIE. Cependant, l’UE et ses États membres ont clairement indiqué dans leurs observations que les juges d’un tribunal multilatéral des investissements (MIC) exigeraient des règles différentes de celles applicables aux arbitres. Ainsi, dans les commentaires du deuxième projet de code l’UE a proposé une formulation ajustée pour plusieurs dispositions qui devraient s’appliquer aux juges ou les exclure complètement du champ d’application de dispositions spécifiques.

L’UE a constamment insufflé des considérations sur différentes options pour les instruments de réforme du GT III, en tenant compte des fonctions prévues du MIC et en ménageant de l’espace dans tous les domaines de réforme pour l’hypothétique tribunal permanent des investissements et ses juges. Néanmoins, de tels points de vue polarisants présentent un risque viable pour les progrès vers des réformes réalisables et ciblées qui pourraient, en fait, améliorer la pratique de l’ISDS et atténuer certains des problèmes et des préoccupations. précédemment mis en évidence au sein du GTIII.

Alors que le GTIII délibère sur les options de réforme dans le contexte à la fois ad hoc arbitrage et un MIC potentiel, il est impossible d’adopter des instruments de réforme unifiés à un moment où la structure, les caractéristiques et les fonctions d’un tribunal permanent des investissements ne sont pas encore clairement définies ou largement acceptées en dehors de l’UE (ou, d’ailleurs, même au sein ses frontières). Bien qu’il ait été discuté du point de vue conceptuel et dans divers contextes procédurauxles délégations du GTIII n’ont pas encore discuté en détail des mandats, des règles de procédure ou du financement du MIC, ni des fonctions de ses juges.

Par conséquent, le GTIII ne serait pas en mesure d’accomplir des progrès significatifs dans le processus de réforme du RDIE si le développement et l’adoption des instruments de réforme applicables à ad hoc L’arbitrage ISDS devait être retardé en prévision de nouvelles délibérations sur le MIC.

Plutôt que de retarder l’adoption du projet de code de conduite jusqu’à ce qu’il puisse être transformé en un instrument unique, le GTIII a choisi d’aller de l’avant et présenter le Code de conduite des arbitres à la Commission de la CNUDCI en juillet 2023 pour adoption, et de soumettre le Code de conduite des juges pour adoption en principe, en attendant sa finalisation à un stade ultérieur.

Le projet de code de conduite pour les arbitres : une feuille de route pour les futurs instruments de réforme

L’élaboration réfléchie et transparente du projet de code reflétait la compréhension commune des préoccupations liées à la conduite et à la responsabilité des décideurs dans les différends relatifs aux investissements. Cependant, une fois qu’il est devenu évident qu’un instrument unifié et harmonisé ne tiendrait pas compte des propositions sur les deux pistes de réforme, le GTIII n’a pas permis le déraillement des progrès significatifs réalisés sur le projet de code pour les arbitres. La décision opportune du GT III de procéder à la finalisation du projet de code pour les arbitres affirme la valeur du compromis et de la réforme ciblée, même face à des courants solides tirant dans la direction opposée.

Étant donné que la dichotomie de la réforme progressive et systémique est devenue une partie intégrante de la dynamique du GTIII, il convient de noter quelques leçons possibles pour le processus de réforme plus large du RDIE qui peuvent être tirées du parcours du projet de code. Premièrement, il serait utile de déterminer si l’option de réforme pertinente est également viable pour le mécanisme ad hoc et permanent de règlement des différends et de procéder à la séparation tôt, si la délibération simultanée des deux fait dérailler l’adoption de l’instrument de réforme. Bien qu’il ait été clair dès le début qu’un code de conduite unifié ne pouvait pas s’adapter aux deux orientations de la réforme, les codes ont finalement été séparés aux toutes dernières étapes du processus. Deuxièmement, les rédacteurs pourraient examiner dès le départ le degré de flexibilité intégrée de l’instrument de réforme afin d’éviter les discussions circulaires et les impasses liées à des détails spécifiques contestés (tels que les délais ou les exceptions). Par exemple, si une disposition fait l’objet d’une renonciation ou d’un accord entre les parties, la règle par défaut peut être un compromis entre des opinions polarisées (ce qui a finalement été accompli avec les règles sur la double casquette dans le projet de code).

Troisièmement, les mécanismes de mise en œuvre et d’application des options de réforme pertinentes devraient être définis à un stade précoce afin d’ancrer l’instrument de réforme pertinent dans un cadre normatif. Délibérer sur des normes concrètes dans un vide juridique sans mécanisme d’application clair ne peut que retarder ou entraver le résultat souhaité. Cela risque également de réduire l’efficacité même des dispositions les plus robustes si elles sont encore soumises (et potentiellement en tension avec) les normes existantes. Malheureusement, le projet de code ne prévoit pas de définition définie pour la mise en œuvre et l’application mécanisme, laissant place à la fragmentation et à l’incertitude qu’il était censé éliminer.

Enfin, nul besoin de réinventer la roue pour des questions déjà réglementées ailleurs. Par exemple, après deux ans de délibération sur une norme de divulgation globale et alternative, le texte final du projet de code a été aligné sur la norme adoptée dans le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI.. Cette disposition générale est désormais complétée par des indications supplémentaires dans le commentairequi clarifie les exigences de divulgation spécifiques et fait référence aux lignes directrices de l’IBA sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international comme une ressource précieuse pour les décideurs. C’était un long détour vers le meilleur résultat, qui était déjà à portée de main.

Conclusion

La trajectoire et les progrès du projet de code constituent une bonne feuille de route pour d’autres domaines de la réforme du RDIE afin d’éviter les pièges et les retards associés à une réforme à deux voies, en recherchant des solutions progressives et systémiques. Il reste à voir si la Commission adoptera le projet de code pour les arbitres et comment il interagira avec les règles et procédures existantes jusqu’à ce qu’une application spéciale cadre est établi. Dans tous les cas, il s’agit d’une étape importante pour le GTIII alors que nous attendons de nouveaux progrès sur les instruments qui façonneront l’avenir de l’ISDS tel que nous le connaissons.