Le Cambodge avait le souhait de retrouver sa souveraineté plus que son indépendance

, Le Cambodge avait le souhait de retrouver sa souveraineté plus que son indépendance

Animé par Florian Bohême, Conseiller des Français de l’étranger au Cambodge, cette soirée de regards croisés donnera alternativement la parole à Son Altesse Royale Prince Thomico Sisowath1 et Jean-Marie Cambacérès2, Président de l’association France-Asie. 

Thomico Sisowath a été Secrétaire particulier de Sa Majesté le Roi Sihanouk et il est légataire des oeuvres cinématographiques du Roi Sihanouk.

Le Petit Journal l’a rencontré à Siem Reap pour qu’il nous dévoile le regard qu’il porte sur l’indépendance du Cambodge.

Le Petit Journal – Altesse, vous allez donner une conférence avec Jean-Marie Cambacéres sur le thème de l’Indépendance du Cambodge. Qu’est-ce qui motive aujourd’hui cet événement ? Le rappel de l’histoire ?

Son Altesse Royale Prince Thomico Sisowath – Deux choses : Nous sommes en ce mois de novembre 2023 en plein dans le 70e anniversaire de l’Indépendance du Royaume du Cambodge, et c’est opportun d’en parler ; puis la venue de SE Monsieur Jean-Marie CAMBACERES, ami très proche de la famille Royale du Cambodge, est une autre occasion. Il faisait partie de ce groupe de Français et de Khmers œuvrant de manière forte pour le retour de la Paix de 1981 jusqu’à 1991, aboutissant aux Accords de Paris (Octobre 1991, Mitterrand, Huchon, Cambaceres, Dumas…).

L’objectif de mon discours n’est pas de rappeler le contexte du 9 novembre 1953 ayant conduit à l’Indépendance car les faits sont assez connus. Il y a d’ailleurs peu de faits historiques car ce fut un déroulement tranquille dans un contexte géopolitique en pleine évolution. En revanche, sans trop parler du passé, je souhaite aborder le présent et l’avenir.

LPJ – Le présent, c’est-à-dire les conséquences de l’Indépendance obtenue par Norodom Sihanouk il y a 70 ans ?

SAR – Oui, en fait, il s’agit d’une période de transition assez exceptionnelle après un Protectorat établi sur un grand pays. Grand puisque la Cochinchine faisait partie du Royaume du Cambodge à l’époque où le Vietnam s’appelait l’Annam et les Vietnamiens s’appelaient les Annamites. Période du jour suivant l’Indépendance car les Français ne sont pas vraiment partis et la Coopération française démarrait immédiatement. Celle qui a transformé le pays et qui subsiste jusqu’à nos jours.

LPJ – Vous vous sentez le témoin de cette période ?

SAR – En fait, je suis devenu Secrétaire Particulier du Roi-Père et je connais le sens des mots dans les deux langues. Le Cambodge avait le souhait de retrouver sa souveraineté plus que son indépendance. Nous l’avions perdu par l’occupation française – Accord de Protectorat de 1863 et Tracés des frontières de 1904-07. Mais je ne souhaite pas parler de cette période passée mais de l’après 1953, car c’est là que tout a commencé.

Il n’y a jamais eu autant de Français ni autant d’investissements français au titre de la Coopération de la République Française que depuis ce jour de l’Indépendance du Royaume.

L’administration française et l’armée française étaient présentes avant le 9 novembre et elles ne sont pas réellement parties car ce sont les coopérants français qui sont arrivés aussitôt pour remplacer les militaires.

Sachez qu’il n’existait aucun lycée au Cambodge en 1953. Aucun système scolaire pouvant conduire à un diplôme de fin d’études n’avait été mis en place. Tout est parti de l’Indépendance. Tout est né durant cette période. Pas seulement le fameux Lycée Descartes où j’ai étudié quelques mois, mais tous les lycées-collèges du Cambodge avec l’objectif fixé « à la française » du « premier et deuxième bac », en Khmer le Bac-Doub !

Bien des mots de la langue française sont entrés à cette époque dans la langue khmère par les coopérants venus enseigner au Cambodge. Et tout le reste a suivi, les sciences économiques, la volonté politique du Sangkrum, les investisseurs, la médecine, l’Institut Pasteur…

LPJ – L’Indépendance du Cambodge aurait renforcé le lien avec la France ?

SAR – La communauté française ne se rend pas toujours compte de l’explosion de la coopération sous toutes ses formes et de la bonne entente entre le Cambodge et la France pendant les décennies qui ont suivi. Les conflits de pouvoirs entre Khmers ont laissé place aux canaux d’un progrès et une entente cordiale et forte sur le développement. Les universités sont alors nées après les lycées et restent liées depuis lors avec Lyon, Montpellier, Paris, Toulouse…

LPJ – Vous semblez affirmer que la place de la France est encore au Cambodge, alors qu’elle semble aujourd’hui prise par… !

L’Histoire connaît des parenthèses, comme la guerre dans cette région de 54 à 75. L’économie de la Chine aussi en ce moment… Voyez les tours inachevées de Phnom Penh… Le Cambodge d’aujourd’hui offre encore plein d’opportunités. C’est un marché pour la France et ses investisseurs. Il y a 700 millions de consommateurs dans l’Asean. Un rééquilibrage va se faire, surtout si la Chine s’essouffle.

Alors oui, par cette conférence, au-delà de l’Histoire que l’on n’enseigne pas assez, il y a le développement économique et ensuite le progrès social d’un pays, un petit Royaume, et d’une grande région du Sud-Est Asiatique. La France est forte dans le domaine de l’énergie et aussi dans l’agroalimentaire. Ce ne sont pas de nouvelles politiques publiques que nous attendons mais des initiatives privées. Oui ici, c’est le pays le plus francophone d’Asie ! Alors que d’opportunités.

C’est à partir d’ici que tout peut se faire maintenant. La Coopération comme après 1953 mais le développement du marché, et des marchés, après 2023… Le retour sur investissements sera profitable aux deux pays.

LPJ – Vous semblez entrevoir une nouvelle page de la France au Cambodge ?

SAR – Non, pas de la France mais des Français. C’est cela que je veux dire aux expatriés français durant cette conférence. Soyez les relais pour que, dans les domaines scientifiques et économiques, comme universitaires, nous profitions des bienfaits demain comme au siècle passé.

Il y a eu les bienfaits partagés pour les plantations d’hévéas et la réussite du poivre. Nous avons cela en tête. Il y aura d’autres ambitions ensemble pour l’avenir. Parlons-en le 24 novembre 2023, c’est le moment.

(1) – S.A.R. Sisowath Thomico (1952), descendant du Roi Sisowath 1er (1904-1927). Ancien Secrétaire personnel du Roi Norodom Sihanouk, son oncle. 

(2) Jean-Marie Cambacéres est un homme politique français, ancien député du Gard, marié en 1992 à une petite fille de Norodom Sihanouk. Spécialiste des questions asiatiques, membre du Conseil Économique et Social, Président de l’Association France-Asie. Commandeur depuis 2008 de l’Ordre Royal du Cambodge.

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