À 15 minutes de Siem Reap se trouve la ferme aux lotus, un lieu de production de fibre de lotus, utile à la confection d’habits. Dans cet article, Pascal Médeville nous retranscrit sa visite dans cette ferme où l’on peut observer au travail des ouvrières en train de filer les fibres de lotus.
J’avais lu quelques articles et visionné quelques vidéos concernant Samatoa, une entreprise de commerce équitable qui s’est spécialisée dans un produit textile naturel rare : la fibre de lotus.
Au Cambodge, le lotus, plus précisément le lotus sacré (Nelumbo nucifera, en khmer ឈូក [cchuk]), est connu surtout pour ses usages alimentaires : la tige (ក្រអៅឈូក) est consommé en légume, cuit ou cru ; le rhizome (មើមឈូក) peut entrer dans la composition de nombreux plats et peut aussi être croqué cru ; séché, le rhizome peut aussi être moulu pour produire une farine (ម្សៅឈូក) utilisée en cuisine pour confectionner des pâtisseries, entre autres choses ; le fruit (ផ្លែឈូក) et les grains (គ្រាប់ឈូក) entrent également dans l’alimentation. Les feuilles de lotus (ស្លឹកឈូក), du fait de leurs propriétés hydrofuges, sont couramment utilisées comme emballage alimentaire, notamment pour emballer les nouilles de riz fraîches (នំបញ្ចុក), mais on peut aussi les faire sécher et les hacher pour produire une boisson théiforme : les feuilles de lotus sont parfois ajoutées au thé vert, parfois encore infusées seules.
La fleur de lotus (ផ្កាឈូក) est très appréciée : elle est sacrée (ផ្កាបូជា ou ផ្កាសក្ការៈ) souvent présentée en offrande au Bouddha, et elle est fréquemment utilisée comme fleur décorative dans les maisons.
Nous avons profité des vacances de fin d’année pour passer quelques jours à Siem Reap, et avons à cette occasion programmé une petite visite à la « Ferme des lotus » (Lotus Farm), située non loin de la ville, sur la route du Phnom Krom. Cette « ferme » se présente en réalité comme une maison sur pilotis, avec une grande terrasse couverte, sur laquelle on peut observer le travail des ouvrières en train de filer les fibres de lotus.
L’opération consiste tout d’abord à nettoyer soigneusement les tiges (qui mesurent environ un mètre de long) en frottant vigoureusement leur surface dans de l’eau claire.
Ensuite, la fileuse prend cinq tiges, elle entaille l’une de leurs extrémités, les casse, et fait glisser doucement les tiges de façon à en extraire les fibres. Elle enroule ensuite les fibres sur elles-mêmes de façon à obtenir un fil d’un certain diamètre. Elle continue ensuite avec les cinq tiges suivantes, en veillant bien à entremêler les fibres des nouvelles tiges avec celles qui ont été extraites précédemment, de façon à pouvoir obtenir un fil continu.
Il est extrêmement important, pour la qualité du tissage, d’obtenir des fils de diamètre régulier. Ce travail, assez difficile, ne peut apparemment pas être mécanisé. Tous les fils doivent donc être filés manuellement.
Les opérations de teinture et de tissage s’effectuent dans une maison qui se trouve sur la route de retour vers Siem Reap.
Samatoa étant une entreprise attachée au respect de l’environnement, on n’utilise pour la teinture des fils que des produits naturels (écorces ou bois de divers arbres, graines de fruit, etc.). La teinture est réalisée également de façon artisanale, dans des sceaux contenant de l’eau et le produit tinctorial, dans lesquels sont plongés les écheveaux ou les tissus, chauffés sur des fourneaux rudimentaires utilisant du charbon de bois comme combustible :
Samatoa est surtout connue pour la transformation des fibres de lotus, mais ce dernier n’est pas, et de loin, le seul végétal qui produit des fibres. Samatoa file également des fibres de bananier, de kapokier, etc., et produit même de la soie naturelle (à Battambang).
Les écheveaux servent à confectionner les canettes qui sont placées dans les navettes utilisées pour insérer les fils de chaîne entre les fils de trame sur le métier à tisser. Les tissus peuvent être composés de fils de chaîne en fibres de lotus exclusivement, mais le coût du produit obtenu est alors extrêmement élevé (j’ai vu un foulard en fils de lotus, dont le prix de vente atteignait les 400 dollars ; on parle de 5000 dollars pour une veste en fils de lotus…). Dès lors, les tissus intègrent le plus souvent d’autres fibres.
Le fil de lotus coûte quatre fois plus cher que la soie naturelle. Cela s’explique par le caractère artisanal de la production et par la lenteur de la fabrication. L’un des objectifs de Samatoa est de réduire les coûts de production pour permettre au tissu de lotus de rivaliser avec le fil de soie. Mais le chemin est encore long. L’entreprise travaille actuellement avec des acteurs du secteur du luxe ou de la mode et a également une boutique au centre-ville, dans laquelle les amateurs aisés pour acquérir des vêtements de prêt-à-porter ou des accessoires, ou encore faire réaliser des vêtements sur mesure.
Pour en savoir un peu plus, n’hésitez pas à consulter le site en anglais de Samatoa (ici) pour avoir un aperçu du catalogue, ou le site en français de la Lotus Farm (ici) pour en savoir plus sur la ferme.
La chaîne Arte a diffusé en avril 2016 un court reportage (moins de huit minutes) sur Samatoa. Voici le reportage (qui se trouve sur Youtube) :
[embedded content]
Article préalablement écrit sur Khmerologie. Vous pouvez le retrouver ici
{link} Ce post a été trouvé sur internet par notre rédaction voici la source Source