Depuis son élection en août 202, la France est le premier pays d’Europe où s’est rendu le nouveau et jeune Premier ministre cambodgien, Hun Manet, accompagné d’une importante délégation de ministres et de dirigeants d’entreprises. Signe que les deux pays sont en phase, le président Macron a assuré de son soutien à la candidature de Phnom Penh pour recevoir le Sommet de la francophonie de 2026.
Fils aîné de l’ancien président Hun Sen, Hun Manet, 46 ans, a réservé à la France sa première visite à un pays européen dans le cadre d’une tournée qui l’a également conduit au forum de Davos, signe que les relations entre les deux pays, anciennes, sont stratégiques à ses yeux. La France, qui a fait du renforcement de la coopération dans la zone indo Pacifique un axe stratégique de sa diplomatie globale, en cohérence avec les priorités européennes, le lui rend bien.
Reçu à l’Elysée le 18 janvier pour un déjeuner avec Emmanuel Macron, Hun Manet a reçu l’assurance du président français qu’il soutiendra la candidature de son pays pour accueillir le prochain Sommet de la francophonie, en 2026. C’était l’une des priorités politiques du Premier ministre cambodgien à Paris, qui souhaite ouvrir son pays au monde et affirmer son autonomie face à la Chine (il a aussi condamné la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie), omniprésente dans son économie (40 % de ses échanges et 50 % des investissements directs étrangers-IDE).
L’AFD double ses engagements
L’Agence française de développement (AFD) a signé, à l’occasion de cette visite officielle, trois conventions de financement pour un montant record de 215 millions d’euros, doublant ses engagements dans le pays.
Ils concernent des projets dans les domaines de l’eau potable (troisième phase à l’usine de traitement d’eau de Bakheng gérée par PPWSA), de l’énergie (déploiement de la première sous-station numérique du Cambodge afin d’améliorer la fiabilité et l’efficacité du réseau de transmission d’EDC) et de formation professionnelle (en partenariat avec la BAsD, développement d’emplois verts et professions numériques).
Une autre priorité du Premier ministre cambodgien était, dans le même esprit, d’aller à la rencontre des entreprises françaises pour les inciter à davantage investir dans son pays, en plein essor mais encore trop dépendant des investisseurs asiatiques, en premier lieu chinois.
D’où son intervention, avant même sa visite d’Etat les 18 et 19 janvier et avant de s’envoler pour Davos, à l’ouverture d’un forum économique franco-cambodgien organisé au Medef le 15 janvier, en présence de sa délégation et de dirigeants d’entreprises françaises. D’après un participant, le Forum a été plutôt un succès avec une série de lettres d’intentions et de contrats signés par les entreprises cambodgiennes et françaises.
La présence française au Cambodge
Si l’on devait résumer d’une phrase la présence de la France au Cambodge, on pourrait la caractériser de forte en matière de coopération et d’aide au développement, mais d’encore modestes sur le plan économique, bien qu’en progression.
La coopération culturelle et technique est forte comme en atteste la présence de l’AFD (qui vient de doubler ses engagements), du Cirad, de l’Institut Pasteur, de l’Institut français.
Les échanges commerciaux, bien qu’en croissance, son déficitaires : 130 millions d’euros à l’export, 1310 millions à l’import en 2022, faisant de la France le 27ème fournisseur et le 12ème client du pays. Toutefois, les IDE français progressent : 649 millions d’euros en 2022, soit une progression de 84 % par rapport à 2018.
La CCI France Cambodge, présidé par le Franco-cambodgien Soresmey Ke Bin et dirigée par Charles Julliard, compte plus de 150 membres.
Le pays, bien que parmi les plus pauvres au monde après avoir profondément souffert de la période de guerre civile et de pouvoir (1975-1979) des Khmers rouges, qui a pris fin à la fin des années 90, a tourné la page et s’est engagé dans une phase intense de reconstruction et de rattrapage au début des années 2000, avec le soutien des bailleurs de fonds internationaux.
« On souhaite se développer avec des sociétés qui ont envie de s’inscrire dans la durée »
Aujourd’hui, « 70 % de la population à moins de 30 ans et n’a pas connu la guerre » souligne Thierry Tea, jeune vice président franco-cambodgien du conglomérat diversifié OCIC présent dans la délégation cambodgienne avec Charles Vann, président exécutif de Cambodia Airport Investment Co. « Ils sont très digitalisés, très connectés, même les agriculteurs ont des téléphones portables. Il y a une soif de connaissance et d’éducation, c’est ça le nouveau Cambodge ».
OCIC a profité de cette visite en France pour communiquer auprès des médias économiques afin de gagner en visibilité auprès des milieux d’affaires français. Ce conglomérat familial, qui réalise de l’ordre de 500 millions de dollar de chiffre d’affaires et emploie 1500 personnes, dont une quarantaine de français à des postes d’encadrement), a été fondé par son oncle en 1991, à son retour d’exil au Canada, après avoir créé une banque d’investissement, la CIH (Canadia Investment Holding).
Représentatif de cette génération naissante de conglomérats cambodgiens privés surfant sur les besoins de développement tous azimut de ce petit pays de 17 millions d’habitants, OCIC investit prioritairement dans les secteurs porteurs qui génèrent du cash : immobilier résidentiel et commercial, infrastructures (aéroports), hôtellerie, centres d’exposition et de congrès, salles de fêtes, écoles… « Un domaine qui marche bien au Cambodge, ce sont mariages, confie Thierry Tea. C’est la jeunesse cambodgienne qui profite de la vie ».
Lors de leur visite à Paris, les dirigeants d’OCIC ont annoncé plusieurs projets avec des entreprises françaises : lancement du premier Ibis Budget à Phnom Penh avec le groupe Accor, signature d’un accord avec le groupe Lagardère Travel Retail pour la gestion de la concession Duty Free du nouvel aéroport international de Phnom Penh Techo, construit par une société associant OCIC et le gouvernement (CAIC) qui doit ouvrir ses portes en 2025. « Nous aimerions aussi développer une école 42 » complète le jeune dirigeant, qui devait visiter la même semaine l’école 42 de Paris, qui forme au codage, créée par Xavier Niel.
« On souhaite se développer avec des sociétés qui ont envie de s’inscrire dans la durée » dit encore Thierry Téa. Il trouve les entreprises françaises encore « trop timides » avec le marché cambodgien. « A nous aussi de faire ce qu’il faut pour nous positionner » ne manque-t-il pas d’ajouter. Cette visite officielle aura été une belle occasion.
Christine Gilguy
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