Fort du soutien de Pékin, le pouvoir cambodgien, emmené par le nouveau Premier ministre Hun Manet, s’apprête à lancer le gigantesque chantier du détournement d’une partie des eaux du Mékong. Malgré l’opposition de plusieurs organisations de défense de l’environnement et l’agacement du Vietnam, Phnom Penh a approuvé le projet de construction d’un canal d’1,7 milliard de dollars qui sera financé dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », déployées par le régime chinois pour accroître son influence en Asie du Sud-Est.
Le gouvernement cambodgien explique qu’il veut enfin connecter par une voie d’eau artificielle le Mékong, qui traverse une partie de son territoire, à ses ports installés au bord du golfe de Thaïlande afin d’améliorer l’expédition de ses exportations.
Un raccourci artificiel
Jusqu’à maintenant, les groupes cambodgiens, et particulièrement les producteurs de textile installés autour de Phnom Penh, sortent leurs marchandises du pays en empruntant soit des laborieux convois routiers et ferroviaires entre la capitale et le port de Sihanoukville, soit en les chargeant sur des barges motorisées qui descendent le Mékong jusqu’aux grands ports vietnamiens situés dans le delta du fleuve. Si elle est plus économique, cette solution fluviale crée une dépendance aux infrastructures vietnamiennes que vit mal le pouvoir khmer.
Le gouvernement cambodgien prévoit donc de creuser un canal de 180 km de long et de 100 m de large, baptisé « Funan Techo Canal », entre un bras d’eau connecté au grand port de Phnom Penh et le port de Kep, sur le golfe de Thaïlande. « Cela va nous permettre d’enfin respirer par notre propre nez », a justifié, dans un discours imagé, Hun Manet.
Le dirigeant assure que l’Etat n’aura pas à s’endetter pour cet immense chantier qui va être pris en charge par le géant China Road and Bridge Corporation (CRBC) dans le cadre d’un nouveau BOT – « built-operate-transfer » – où le groupe public chinois construira l’infrastructure et se remboursera en l’exploitant pendant cinquante ans.
Phnom Penh ajoute que ses études de faisabilité ont montré que le gigantesque canal ne présentait aucun risque pour le fleuve, considéré comme une artère vitale de l’Asie du Sud-Est, ou l’environnement. « Les seuls désagréments qu’ils ont identifiés, ce sont le bruit et la poussière générés par le chantier », remarque Brian Eyler, un chercheur du Stimson Center.
Comme de nombreux experts, il pointe les risques écologiques associés à ce projet. « Ce canal va agir comme une sorte de barrage sur une partie du Mékong qu’il ne faut pas voir comme un fleuve sur une ligne simple mais comme une succession de plaines inondables », détaille-t-il. « Ce projet fait partie d’un problème de plus en plus large de non-respect des règles communes de gestion du Mékong », regrette Pianporn Deetes de l’ONG International Rivers.
Des zones inondées
Tentant de représenter, dans une carte, l’effet du canal cambodgien sur la zone, les chercheurs pointent toutes les zones agricoles que la construction va soudain assécher en aval ainsi que les grandes inondations qu’il risque de créer en amont. « Ce sont 2.000 km2 de zone humide qui abritent des grandes rizières, côté vietnamien, comme cambodgien, qui vont être touchées », insiste l’analyste, avant de pointer l’agacement de Hanoï.
Le Premier ministre vietnamien, Pham Minh Chinh, a fait part de son inquiétude, en décembre, lors d’un échange avec Hun Manet, en visite officielle à Hanoï. Le dirigeant communiste a pointé les risques environnementaux du canal sur son delta et demandé des études préliminaires plus poussées. Il n’a toutefois rien dit de l’inquiétude profonde du Vietnam face à l’érosion de son influence historique sur un régime cambodgien de plus en plus proche de la Chine.
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