Documentaire, dans les yeux des éléphants cambodgiens

Maïck Choulay a remporté le prix Objectifs Documentary Award 2023 au centre « Objectifs pour la photographie et le cinéma », soutenu par le Conseil national des arts de Singapour. Son exposition intitulée « An Elephant’s Eye » s’y tient actuellement.

Son documentaire nous invite à imaginer les croisements entre la nature et l’histoire, la religion et la violence, les humains et les animaux, le tout à travers les yeux des éléphants. Car les éléphants ne sont pas des animaux comme les autres au Cambodge. À l’époque préangkorienne et angkorienne, ils accompagnaient les hommes dans les batailles, aidaient à la construction des temples et participaient aux grandes cérémonies.

 

Exposition An Eye's Elephant

 

Outre le documentaire, l’exposition à Singapour présente des objets qu’elle a rassemblés pour refléter les croyances et les traditions du Cambodge. Par exemple, un artiste de la province de Siem Reap a réalisé, dans le cadre de cette exposition, une sculpture de Ganesha, divinité hindoue à tête d’éléphant vénérée au Cambodge et en Asie du Sud-Est. Elle expose également une prothèse qui a été fabriquée pour remplacer la partie inférieure de la jambe d’un éléphant mutilé par des pièges illégaux, ainsi que quelques-uns de ces pièges en fil barbelé.

L’un des éléphants ainsi blessés s’appelle Chhouk. Son histoire a connu une fin heureuse. Il y a 10 ans, alors qu’il était encore jeune, il a perdu la partie inférieure d’une patte dans un piège tendu par des braconniers dans la zone de Srepok, dans la province de Mondulkiri. Trouvé en très mauvais état par des patrouilleurs, ils l’ont amené à leur poste et ont contacté le Phnom Tamao Wildlife Rescue Centre. Après avoir appelé plusieurs fabricants de prothèses du pays, c’est l’école cambodgienne de prothèses et d’orthèses qui a relevé le défi et en a fabriqué une afin qu’il puisse marcher à nouveau.

Le documentaire sur les éléphants se devait également d’inclure Sambo, le célèbre éléphant de Phnom Penh qui a passé des décennies à poser pour des photos sur la colline où se trouve la pagode Wat Phnom. Souffrant de problèmes de pieds après des années de marche (une trentaine de kilomètres par jour pour se rendre sur son lieu de travail), elle a été mise à la retraite dans la région de Phnom Penh en 2012 et emmenée dans le sanctuaire du projet de la vallée de l’éléphant, dans la province de Mondulkiri, deux ans plus tard. Elle est décédée en octobre 2023 à l’âge de 63 ans.

Dans son travail, Choulay aborde également les éléphants dans le contexte de l’histoire et de l’environnement, et le fait qu’ils souffrent de la guerre comme les êtres humains. « En plus d’avoir des problèmes de santé comme les humains’, dit-elle, ‘les éléphants subissent aussi la guerre, vous savez. Ils perdent leur famille, leurs amis et deviennent handicapés. Nous pensons à notre vie en tant qu’êtres humains et considérons que la vie des animaux n’est pas précieuse. Pourtant, les animaux ont souffert pendant le conflit au Cambodge, dans les villes comme dans la jungle ». 

Aujourd’hui, l’abattage illégal d’animaux continue malgré les mesures prises par les autorités. Les éléphants, célèbres pour leurs défenses, sont toujours victimes du braconnage.

De plus, ces dernières années, ils ont été affectés par la disparition des forêts dans certaines parties du pays et par les changements climatiques.  »Les éléphants ont besoin d’un très grand espace pour vivre’, explique Mme Choulay. ‘Lorsque les gens construisent, ils coupent les forêts… les endroits où les éléphants avaient l’habitude de rester. C’est la raison pour laquelle mon film documentaire s’intitule ‘My Home' ».

 

Scène du documentaire
Scène du documentaire « An Elephant’s Eye »

 

« Les éléphants sont très puissants, mais il y a une chose qui n’est pas très forte, c’est leur vue… ils ont des cataractes, comme les êtres humains. Un éléphant se heurtait sans cesse à des objets parce qu’il ne voyait pas clairement à cause de ses problèmes de vue”, a-t-elle raconté. Jusqu’à ce que Mme Choulay entende parler de cette histoire, elle n’avait pas réalisé à quel point ces animaux pouvaient être affectés par des handicaps physiques comme le sont les êtres humains. Ayant elle-même une déficience visuelle d’un œil, elle a sympathisé avec cet éléphant. 

Née dans la province de Kandal au début des années 1990, Choulay a passé la majeure partie de sa vie à Phnom Penh. Suivant les traces de sa mère, elle a d’abord étudié la profession de sage-femme à l’université. Lorsqu’elle a commencé à travailler, elle ne s’est pas sentie à l’aise lors de manipulations qui nécessitent une précision au millimètre près, en raison de son problème oculaire.

Choulay a donc étudié le journalisme au Centre cambodgien des médias indépendants. Plus tard, elle a participé à un programme de formation au cinéma documentaire au Centre audiovisuel Bophana, et a également étudié l’art contemporain et la photographie au centre d’art et à la galerie SaSa à Phnom Penh.

Cette formation diversifiée se reflète dans son documentaire : des faits traités avec la précision d’un journaliste, des scènes reflétant la vie des éléphants dans la tradition du documentaire, et des scènes tournées avec l’œil d’un artiste. Le tournage a eu lieu au Sanctuaire des éléphants du Projet Mondulkiri, au projet de la Fondation Aïravata pour les éléphants dans la province de Ratanakiri, et au Parc zoologique et Centre de sauvetage des animaux sauvages de Phnom Tamao.

Aujourd’hui, Choulay travaille principalement en tant que journaliste indépendante pour la publication d’informations en ligne CamboJA, couvrant en particulier la santé et les soins de santé ainsi que les questions environnementales.

Son exposition: https://www.objectifs.com.sg/# à l’Objectifs Centre for Photography and Film à Singapour se poursuit jusqu’au 16 juin 2024. 

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