Origines de la sculpture
Les premières œuvres créées sur l’actuel territoire cambodgien sont fortement imprégnées de culture indienne. Dès le début, les gravures finement détaillées qui composent les bas-reliefs relatent des événements historiques ou des scènes du quotidien. D’autres encore représentent les dieux hindous. Les danseuses Aspara, reprises de la mythologie hindoue, évoquent l’eau et les nuages par la fluidité de leurs mouvements.
Le plus ancien témoignage de l’art cambodgien est un Vishnou à quatre bras, conservé au Musée national de Phnom Penh. La sculpture de près d’un mètre est datée de la première moitié du Ve siècle. Le musée, situé à côté du Palais royal à Phnom Penh, abrite la plus grande collection d’art khmer du monde. Ses 14 000 pièces retracent toute l’histoire de cette civilisation, de la préhistoire à l’ère post-angkorienne (après le XIVe siècle). Parmi ses pièces maîtresses, un Vishnou à huit bras de près de deux mètres, et une sculpture de Jayavarman VII, trouvée à Angkor Thom, qui est caractéristique de l’apogée de l’art khmer.
La sculpture khmère se détache de la culture hindoue à partir du VIIe siècle. Elle développe ses particularités, et ce faisant, la production s’intensifie.
Royaume d’Angkor
Du temps de l’empire d’Angkor, l’art est traditionnellement religieux. C’est un art de cour, hindouiste ou bouddhiste. Il convient de distinguer la période pré-angkorienne (IXe et Xe siècles), angkorienne (du Xe au XIVe siècle) et post-angkorienne à partir du XIVe siècle. De nos jours, le site d’Angkor continue de témoigner de l’opulence culturelle du Cambodge impérial.
Il reste peu de traces de l’art pré-angkorien, les sculptures étant réalisées dans des matériaux périssables, comme le bois. Entre le IXe et le XVe siècle, l’empire khmer s’étend sur un vaste territoire (Thaïlande, Laos, Vietnam, Malaisie). Pour renforcer son pouvoir, l’élite intègre les motifs figuratifs indiens et bouddhistes aux croyances locales. Le culte de Shiva fait son apparition. Les premiers édifices reçoivent un décor simple, sculpté dans la brique, comme à Sambor Prei Kuk. Le foisonnement deviendra rapidement la norme.
Divine apogée
Fondateur du royaume d’Angkor, le roi Jayavarman II accède au trône en 802. Durant son règne, il introduit la notion fondamentale de dieu-roi ou devaraja. Le linga, symbole de forme phallique, devient l’emblème commun à Shiva et au souverain. On le retrouve érigé ou gravé un peu partout sur le site d’Angkor.
Entre le IXe et le XIIe siècle, pas moins de 1 800 temples et sanctuaires sont bâtis. Le temple de Banteay Srei – Citadelle des femmes, est édifié en grès rose. Ses sculptures en trois dimensions font désormais sa célébrité. Murs, colonnes et linteaux sont richement ornés : nymphes gracieuses, dieux et motifs végétaux illustrent les légendes hindoues.
La sculpture, devenu l’art dominant, est souvent inséparable de l’architecture. Linteaux, frontons ou bas-reliefs, les figures en pierre font partie intégrante des temples. Loin d’être figées, elles prennent des poses de danseuse. Dans de nombreux temples, tels qu’Angkor Wat et le Bayon d’Angkor Thom, la majesté du royaume khmer impressionne les visiteurs.
La galerie des bas-reliefs d’Angkor Wat présente 1 200 mètres carrés de sculptures et presque autant de mythes. L’incontournable temple-montagne de Bayon, et ses multiples visages au cœur d’Angkor Thom, est l’un des sites les plus mystérieux de toute l’Asie et le summum de l’art bouddhique mahayana. Construit à l’orée du XIIIe siècle, il abritait des images du Bouddha qui sont transformées vers 1350 par le roi Jayavarman VIII en images hindoues. Une récente campagne de restauration a rendu son visage au Bouddha. Sur le site, une statue en pierre de Bouddha se dresse sur 3,60 mètres. « Mucalinda » montre l’Eveillé assis sur un naga.
Peinture, bronze et bois
Quelques peintures figuratives du XVe et XVIe siècles se déploient encore sur les murs d’Angkor. A l’origine, ces fresques en couleur s’organisaient à la façon de bandes dessinées, à ceci près que leur lecture n’était pas linéaire. Destinées à éduquer le peuple, ces successions de scènes restent énigmatiques pour l’œil occidental. La guerre civile de 1970 a porté un coup fatal à ces œuvres dont il reste principalement des photographies.
Dès le début du XIe siècle, un atelier dédié au travail du bronze s’établit à proximité du palais royal. La statuaire en bronze, produite à cire perdue, peut être dorée, incrustée de pierres précieuses ou de verre noir pour les yeux. Les bronzes représentent pour la plupart des divinités bouddhistes ou hindoues.
La sculpture sur pierre connaît un déclin progressif dès la fin du XIIe siècle, au profit de la sculpture sur bois. Les statues en bois, laquées, sont enrichies de précieuses incrustations.
La guerre civile met fin à la sculpture cambodgienne. Les artistes qui échappent à l’assassinat s’expatrient. Depuis peu, ceux qui rentrent au pays entreprennent de transmettre leurs savoirs ancestraux. C’est ainsi que la restauration des temples bénéficie des techniques traditionnelles.
Les années 2000 sont celles des fouilles et de la reconstitution. Des milliers de fragments sont patiemment rassemblées par les archéologues pour redonner vie aux œuvres d’antan. Grâce à ces campagnes, le Musée National d’Angkor abrite des vestiges exceptionnels. Citons l’ermite Sumedha, couché sur le sol ; un Ganesh en pierre du XIIe siècle, assis en tailleur ou un Vishnou debout qui remonte au VIIe siècle.
Emergence de l’art contemporain
Après la colonisation, la culture française imprègne fortement le Cambodge. Cette empreinte est facilitée par le régime communiste qui supprime tout ce qui n’est pas purement khmer, et ne produit pas d’art. Les décennies de conflits et de génocide annihilent toute pratique artistique. Mais au XXIe siècle, en plus des tentatives pour ressusciter l’art khmer, la création cambodgienne trouve un nouveau souffle.
Il faut attendre l’exposition Visual Arts Open (VAO), en décembre 2005 pour voir émerger un art contemporain au Cambodge. L’événement se tient à Phnom Penh, durant trois semaines, à l’initiative du collectif Saklapel. Ces artistes visuels exposaient jusqu’alors individuellement, dans leurs localités. Leurs toiles sont pour la plupart figuratives et colorées. D’abord montrées à la New Art Gallery, les toiles s’affichent par la suite dans des restaurants, des bars et une bijouterie. En parallèle, un site Internet animé par VAO révèle la vitalité de l’art cambodgien au monde entier.
Les dix-neuf artistes qui exposent ont chacun leur style, chacun leur parcours. Deux sont considérés comme les aînés : Vann Nath et Svay Ken. Autodidacte, Svay Ken peint des natures mortes et la simplicité du quotidien. Vann Nath est l’un des rares survivants de l’enfer carcéral de Tuol Sleng.
Vann Nath
Parmi les artistes de VAO, Vann Nath (1946-2011) a grandement participé à la renaissance des arts cambodgiens. Issu d’un milieu extrêmement modeste, il s’intéresse très jeune à la peinture. C’est sur les murs des temples qu’il découvre l’art. Peintre et écrivain, il demeure toute sa vie un fervent défenseur des droits de l’homme. Arrêté par les khmers rouges en 1978, il est incarcéré à Tuol Sleng. Ses écrits et ses peintures apportent de précieux témoignages des crimes des khmers rouges. Ses toiles figuratives sont de véritables œuvres documentaires. Il doit d’ailleurs sa survie à son art. Son geôlier l’a en effet épargné uniquement pour qu’il réalise des portraits peints et sculptés de Pol Pot. Une récente bande dessinée éditée par La Boîte à Bulles raconte son histoire : Vann Nath. Le Peintre des Khmers rouges, signée Matteo Mastragostino et Paolo Castaldi.
Sopheap Pich
Né en 1971 à Battambang, Sopheap Pich vit en exil avec sa famille dès l’âge de huit ans. Après avoir vécu en Thaïlande, aux Philippines puis aux États-Unis, il rentre au Cambodge diplômé de l’Université du Massachusetts. Avec Linda Saphan, c’est l’homme à l’origine de l’exposition Visual Arts Open. Il fonde par ailleurs Sala Arts A2A, association destinée à la promotion de l’art contemporain à Phnom Penh. Il se consacre désormais à la sculpture, et privilégie le rotin comme matériau créatif. Sopheap Pich expose dans le monde entier : au MET de New York aussi bien qu’au Guggenheim de Bilbao.
Linda Saphan
Autre enfant de l’exode, Linda Saphan naît en 1975. Elle poursuit une double carrière, entre anthropologie et art. Ainsi, son œuvre s’attèle aux thèmes historiques, aux symboles ethniques. Sa première exposition se déroule au Cambodge en 2004. Elle multiplie dès lors les moyens d’expression, associe la peinture, la photo et l’installation. Elle monte avec Sopheap Pich l’exposition VAO, qui marque la naissance de l’art contemporain cambodgien.
Vandy Rattana
L’artiste Vandy Rattana, né à Phnom Penh en 1980, expose ses photographies dans des lieux d’excellence comme le CAPC de Bordeaux, le Musée du Jeu de Paume à Paris ou encore à la Documenta. Vandy Rattana propose une autre vision du Cambodge, une réflexion personnelle loin des images de guerre et des hauts lieux touristiques. Ses premières séries documentent chaque aspect du quotidien d’un Cambodgien, entre journalisme et pratique artistique. Inspiré de la vie, du quotidien, de l’humain, ses photos et ses vidéos ont récemment pris un tournant philosophique. Ce faisant, il reconstitue l’histoire à travers des récits poignants. Vandy Rattana participe à des expositions dans le monde entier.
Lieux de l’art contemporain
Sra’Art est un lieu unique au Cambodge. Situé au numéro 7EO Samdach Sothearos Blvd à Phom Penh, il réunit une galerie d’exposition, un studio photo et un espace d’événementiel. Sra’Art a pour objectif de promouvoir la création contemporaine et de sensibiliser le public à la scène actuelle. Dans ce lieu inspirant, les artistes de tous horizons se rencontrent. Peinture, photo, art urbain, thèmes mythologiques et préoccupations sociales ont ici leur place. Idéal pour prendre un verre tout en flairant les talents de demain !
Le dynamisme de l’art contemporain cambodgien s’explore aussi sur les murs de la capitale. En plein centre-ville, le street art s’épanouit dans les ruelles du quartier Boeung Kak, et en particulier dans la rue 93. Si ce coin de la ville était autrefois celui de l’underground, pas toujours fréquentable la nuit, il bénéficie aujourd’hui d’une belle énergie. Restaurants, hôtels et bars modernes s’y sont établis, attirant dans leur sillage des artistes urbains. Mentionnons le Street 93, un bistro galerie d’art ouvert en 2014 par deux Françaises. Leur volonté était alors de créer un vivier artistique. Pari tenu ! Le Cambodian Urban Art a suivi le mouvement. A présent, tous les ans au mois de décembre, le festival fait vibrer la capitale. Artistes khmers et étrangers collaborent, unissant leurs influences sur une scène artistique en plein boom.
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