Cambodge – Entretien avec le roi Norodom Sihamoni : « Je suis profondément ­bouddhiste

Quel autre pays peut s’enorgueillir d’avoir sur son drapeau national un monument inscrit au patrimoine mondial, en ­l’occurrence les tours du Bakan, le sanctuaire central du temple d’Angkor Vat ? « Angkor, c’est l’âme de la nation khmère », insiste Norodom Sihamoni, le roi. Il nous reçoit au palais royal de Phnom Penh à ­l’issue de notre périple à Angkor. Nous venons de visiter une dizaine de temples sur les quelque 200 d’un périmètre de 400 kilomètres carrés. C’est là que, du IXe au XVe siècle, l’empire khmer installa sa capitale.

« Ce symbole a toujours été vivant dans le cœur des Cambodgiens par-delà les vicissitudes de notre histoire récente », explique le Dr Peou Hang. Il dirige l’Autorité pour la protection du site et l’aménagement de la région d’Angkor, ou Apsara, du nom des nymphes célestes qui dansaient pour le plaisir des dieux. Cet ingénieur a notamment remis à jour le système hydraulique des barays, ces bassins artificiels qui permettaient, en régulant l’eau de la rivière Siam Reap, d’éviter les inondations.

Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. ICI LE TEMPLE DE BÊNG MEALEA

Sur les passerelles aménagées dans le temple de Beng Mealea, le 5 novembre. Le cinéaste Jean-Jacques Annaud avait choisi ce site du XIIe siècle comme décor de son film «Deux frères » (2004). Paris Match / © Baptiste Giroudon

Il nous fait admirer l’ingénieux système de bassins purificateurs du temple Neak Pean. « Dès le Xe siècle, l’Empire khmer avait su trouver l’équilibre entre ­saison des pluies et saison sèche », commente-t-il. Sous sa conduite, en compagnie de l’énergique Kérya Chau Sun, dévouée depuis trente ans au rayonnement d’Angkor, et de l’architecte français Olivier Cunin, spécialiste du bâti, nous voici sur le chantier du Mébon occidental, un temple sauvé des eaux grâce à l’engagement de la France, du ministère des Affaires étrangères mais aussi de l’Agence française de développement et du ministère de la Culture. Alors que la divinité, un Vishnu couché en bronze, est ­exposée au Musée national de Phnom Penh, près de 150 ouvriers, artisans, architectes, ingénieurs, archéologues continuent de s’activer pour ­remonter 12 500 blocs de pierre selon le principe de ­l’anastylose – le remontage d’un monument avec ses propres éléments.

Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. EN HAUT DU BAPHUON refait par les français

Sur les hauteurs du Baphûon, un templemontagne du XIe siècle rénové par l’Efeo entre 1995 et 2011. Paris Match / © Baptiste Giroudon

La France avait déjà pris sa part de la sauvegarde d’Angkor en volant au secours du temple-montagne du Baphûon, un projet titanesque et un défi technique. Il sera inauguré en 2011 par le roi Norodom Sihamoni et le Premier ministre français de l’époque, François Fillon. « Dès les années 1960, l’École française d’Extrême-Orient (Efeo), sous la direction de l’archéologue Bernard-Philippe Groslier, avait déposé et enregistré les 300 000 pierres moulurées ou sculptées, sur un champ de 5 hectares. Mais les Khmers rouges ont brûlé tous les carnets de fouilles et la documentation du chantier, qu’il a fallu entièrement reprendre », raconte Francine ­d’Orgeval, experte au Quai d’Orsay, au sein d’une sous-direction pratiquant la « diplomatie d’influence », ou « pouvoir feutré », élégante manière de traduire le « soft power » de la diplomatie culturelle française.

 J’ai donné des cours de danse classique à Paris. J’ai créé aussi des ballets comme chorégraphe 

Norodom Sihamoni

« Nous sommes très reconnaissants à la France et aux Français pour tout ce qui est entrepris pour notre patrimoine, et je souhaite que cette coopération s’intensifie », nous déclare le roi Sihamoni dans un français parfait. Après avoir étudié les arts en Tchécoslovaquie, il a longtemps vécu en France. « J’ai donné des cours de danse classique à Paris. J’ai créé aussi des ballets comme chorégraphe, avant d’être nommé ambassadeur auprès de l’Unesco dans votre belle capitale. »

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Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. ici le temple PHNOM BAKHENG
Visite dirigée par Dr Ginevra BOATTO

Visite de Phnom Bakheng, le plus ancien temple d’Angkor, édifié vers 900, avec Ginevra Boatto, représentante du World Monuments Fund pour l’Asie du Sud-Est. Paris Match / © Baptiste Giroudon

Un roi-danseur qui a su maîtriser toutes sortes d’équilibres, en particulier pour succéder à son père. Il a notamment contribué à faire inscrire le Ballet royal khmer au patrimoine immatériel de l’humanité : « Nous devons le protéger par la pratique et la transmission », explique-t-il. Dans un sourire juvénile, ce roi qui a l’âge de l’indépendance de son pays reconnaît « continuer à danser quand il le peut… Je fais ma barre et mes exercices ».

 Il y a des moments difficiles dans la vie d’un roi 

Norodom Sihamoni

Lui qui confesse préférer les arts à la politique est considéré comme une figure sacrée, emblème de la nation khmère. « Vous savez, m’avoue-t-il, je suis profondément ­bouddhiste ; la méditation m’aide beaucoup car il y a des moments difficiles dans la vie d’un roi… »

Parmi les moments plus heureux, la visite officielle en France jusqu’au 18 novembre avec, outre un entretien avec le président de la République, une visite au château de Fontainebleau, un concert à la Philharmonie de Paris et une représentation de « Turandot » à l’Opéra Bastille. La visite du chantier de Notre-Dame ou des ­ateliers de l’Opéra, ce sera pour une prochaine fois. C’est au roi que revient le privilège d’ouvrir à Paris la conférence qui devra assurer de façon durable, écologique et avec un tourisme raisonné, le développement d’Angkor.

Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. ICI LE MEBON OCCIDENTAL en exclusivite jamais montré.

Avec l’architecte Olivier Cunin (en noir) sur le chantier de rénovation du Mébon occidental. Paris Match / © Baptiste Giroudon

Le lancement du Comité international de coordination (CIC), en 1993, faisait suite à l’appel au secours de Norodom Sihanouk, deux ans plus tôt : c’était lors de la conférence de Paris pour régler le conflit cambodgien. En décembre 1992, le site d’Angkor était inscrit sur la liste de l’Unesco du patrimoine mondial en péril. « Nous avons immédiatement répondu à l’appel, acceptant la coprésidence du CIC avec le Japon », explique Francine d’Orgeval, qui se souvient des premières réunions avec deux autres vétérans du sauvetage, le Pr Azedine Beschaouch, grand spécialiste du patrimoine mondial, et Bruno Favel, chef de mission pour le patrimoine mondial au ministère de la Culture à Paris.

600 millions d’euros pour préserver le patrimoine cambodgien

« Présente depuis plus de soixante-dix ans au Cambodge, la France a acquis une réelle connaissance technique des sites archéologiques ­d’Angkor. L’École française d’Extrême-Orient a débroussaillé pour sortir les monuments de leur gangue végétale, inventorié et ­cartographié les temples avant de commencer à les restaurer. Tout cela après un travail de déminage qui aura duré onze ans. La France est l’un des pays qui se sont le plus mobilisés pour le patrimoine cambodgien. Nous avons œuvré dans l’ancienne cité d’Angkor Thom, sur la terrasse des Éléphants, la terrasse du Roi lépreux, le temple du Baphûon et, actuellement, le plus gros chantier jamais entrepris, celui du Mébon occidental. La France participe à une sorte de décolonisation scientifique, et les archives françaises de l’Efeo alimentent les projets internationaux de restauration », ajoute Francine ­d’Orgeval.

Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. Audience accompagnée de Francine d’Orgevalle du Quai d’Orsay et Pierre Vincent de l’ambassade de France

Lors de l’audience royale au palais, Stéphane Bern est reçu par le roi et sa mère, Norodom Monineath, veuve de Sihanouk. Au fond, Francine d’Orgeval, experte du Quai d’Orsay chargée du programme de sauvegarde et de développement d’Angkor, et Pierre Vincent, conseiller de coopération à l’ambassade de France à Phnom Penh. Paris Match / © Baptiste Giroudon

Ensemble, nous visitons les temples du Bayon (restauré par les équipes japonaises), de Ta Prohm (où les Indiens veillent à conserver les arbres fromagers parmi les pierres), de Banteay Srei (dont les Suisses ont assuré la valorisation), de Phnom Bakeng (entièrement restitué par le World Monuments Fund)… Plus de cent projets émanant de trente pays, pour une mobilisation financière de plus de 600 millions d’euros. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ainsi que l’Agence française de développement ou le ministère de la Culture ont financé la restauration du patrimoine khmer à hauteur de 57 millions d’euros en trente ans.

La reine mère Norodom Monineath rappelle quelle importance son époux, décédé en 2012, attachait au français

« Notre fierté est d’avoir aidé les Cambodgiens à reprendre en main leur héritage », conclut Francine ­d’Orgeval. Seul regret, partagé par Sackona Phoeurng, la ministre cambodgienne de la Culture, qui a appris le français en autodidacte : voir le secrétariat permanent du CIC assuré par un anglophone, représentant de l’Unesco à Phnom Penh, qui bannit l’usage du français dans ce royaume pourtant francophone. La ministre, arrivée à Paris, s’est promis d’en parler à Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco ! Lors de notre audience, la reine mère Norodom Monineath rappelle quelle importance son époux, décédé en 2012, attachait au français.

Stephane Bern en Voyage au Cambodge pour sa mission de défense du Patrimoine dans les temples d’Angkor, il est ensuite reçu par le Roi du Cambodge et la Reine mère à Phnom Penh -giroudon La France joue un role majeur dans le conglomerat internationale qui entretient les temples d’Angkor mais elle a surtout sauvé de la destruction 2 temples: le BAPHUON depuis plus de 15 ans et aujourd’hui ils nous montrent en exclusivité le nouveau bijoux d’Angkor au milieu de l’eau le MEBON occidental. ICI LE MEBON OCCIDENTAL en exclusivite jamais montré.

Le Mébon occidental. La rénovation du temple est dirigée par les Français. Construit au milieu du plus grand bassin d’Angkor, il se transforme en île lors de la saison des pluies. Paris Match / © Baptiste Giroudon

Bertrand Porte est l’un des meilleurs spécialistes de la statuaire angkorienne. Il a passé vingt-cinq ans au Musée national du Cambodge, à Phnom Penh, construit sous la direction de Georges Groslier, entre 1917 et 1924. Alors que l’université royale des Beaux-Arts voisine va quitter les lieux, chacun rêve d’une extension. La ministre cambodgienne de la Culture s’agace de n’avoir toujours pas reçu le rapport du nouvel ambassadeur pour le patrimoine mondial, Jean-Luc Martinez, alors que d’autres pays et institutions aimeraient supplanter l’influence française.

Un circuit, le « Phnom Penh Heritage Tour »

Pourtant, les souvenirs d’une présence d’un siècle restent vivaces. Le lycée français René-Descartes ne désemplit pas, l’Institut français fourmille d’idées et d’initiatives, et des Français, comme Jean-Pierre Fréneau, défendent le patrimoine urbain du temps du protectorat en organisant un circuit, le « Phnom Penh Heritage Tour » : la poste, le Grand Hôtel où Malraux fut assigné à résidence pour avoir voulu emporter, à 22 ans, des bas-reliefs du temple de Banteay Srei, l’ancienne gendarmerie, ou encore ce monument aux morts dédié aux Cambodgiens partis combattre aux côtés des Français pendant la Grande Guerre, détruit par les Khmers rouges, reconstruit à l’identique et inauguré le 14 juillet dernier.

Dans son livre « L’image de la puissance. La diplomatie culturelle de la France au XXe siècle » (éd. Perrin), Guillaume Frantzwa souligne que « la culture est le premier réseau mondial de la France », qu’il décrit comme « la nation la plus influente du monde », citant ses 162 missions archéologiques dans 78 pays ! Les Cambodgiens et le premier d’entre eux, le roi Sihamoni, reconnaissent que, grâce à elle, notamment, « Angkor est devenu le plus grand laboratoire scientifique de conservation patrimoniale et de développement durable ».

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