À la fin de cette année, le règlement européen sur le recyclage des navires sera évalué. Ce règlement a-t-il atteint son objectif d’établir une industrie de recyclage des navires plus sûre et plus durable ?
L’UESRR a-t-elle conduit à un recyclage durable des navires ?
Lorsqu’un navire semble avoir atteint la fin de sa durée de vie, l’armateur se pose la question de savoir s’il doit être mis au rebut ou recyclé. Un vieux navire conserve toujours de la valeur grâce aux composants et aux matières premières de valeur incorporés dans sa construction, mais le processus de démolition peut également nuire aux humains et à l’environnement. Il existe des chantiers de recyclage de navires dans le monde entier, mais les chantiers navals de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh sont particulièrement largement utilisés. L’utilisation de ces chantiers a été critiquée en raison des mauvaises conditions de travail des employés et des dommages environnementaux locaux résultant d’un traitement inapproprié des déchets. Afin d’éviter que des navires européens n’aboutissent dans les chantiers navals asiatiques, l’Union européenne a introduit en 2013 le Règlement sur le recyclage des navires (EUSRR). Ce règlement vise à réduire le recours aux chantiers navals dans ces pays. L’EUSRR sera évalué fin 2023, et cet article de blog anticipe cette évaluation.
Les chantiers navals asiatiques les plus populaires
Pourquoi de nombreux navires finissent-ils dans les chantiers navals en Inde, au Pakistan et au Bangladesh ? La réponse à cette question est étroitement liée aux composants et matériaux précieux trouvés dans les navires. Il existe une énorme demande mondiale de ferraille, notamment en Asie. Avoir un navire dans un chantier naval signifie que les pays asiatiques peuvent vendre la ferraille, les autres matériaux et matières premières du navire sur les marchés nationaux et internationaux à un prix attractif. De plus, la démolition d’un navire fournit de l’emploi à un grand nombre de travailleurs dans ces pays, ce qui rend crucial le maintien de l’industrie du recyclage des navires. La combinaison d’une forte demande de ferraille, de faibles coûts de main-d’œuvre et d’une faible application des réglementations environnementales et du travail a créé une situation dans laquelle ces chantiers navals asiatiques peuvent acheter des navires à des prix élevés.
La Convention de Hong Kong
Afin de garantir que les navires européens ne finissent plus dans les chantiers navals asiatiques et ne contribuent à de mauvaises conditions de travail et environnementales, des accords ont été conclus ces dernières années aux niveaux européen et international pour appliquer des règles plus strictes en matière de recyclage des navires. En 2009, sous la supervision de l’Organisation maritime internationale, la Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires a été adoptée. En vertu de cette convention, les navires sont tenus de préparer une liste des matières dangereuses à bord et les chantiers navals sont tenus d’élaborer un plan de recyclage pour chaque navire. Cependant, on s’attend à ce que la Convention de Hong Kong n’entre en vigueur que plus tard cette année, car elle n’a été ratifiée que par 22 pays, dont les Pays-Bas, le Bangladesh et l’Inde.
L’approche européenne
Anticipant les faibles attentes de la Convention de Hong Kong, l’UE a pris l’initiative d’introduire l’EUSRR en 2013. Ce règlement vise à prévenir et minimiser les effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement résultant du recyclage des navires battant pavillon d’un pays de l’UE. Bien que le contenu de l’EUSRR recoupe partiellement celui de la Convention de Hong Kong, le règlement européen impose des règles supplémentaires et plus strictes en matière de démolition des navires européens. Un aspect important de l’EUSRR est la liste des chantiers navals où un navire européen doit être démoli. Un chantier naval est admis sur cette liste s’il répond à un ensemble d’exigences établies par l’UE, après quoi il est placé sous un contrôle strict par des parties indépendantes. A l’heure actuelle, la majorité des chantiers navals de la liste européenne sont situés en Europe et en Amérique du Nord. Grâce à ces mesures, l’UE vise à promouvoir le recyclage responsable et durable des navires, à réduire l’impact des navires en fin de vie sur l’environnement et les travailleurs, et à décourager les armateurs européens de choisir un chantier naval asiatique.
Quelques notes critiques
Les critiques à l’encontre de l’EUSRR portent principalement sur le fait que depuis son introduction, de plus en plus de navires battant pavillon européen sont passés sous pavillon non européen avant d’être mis à la casse. Cela pose un problème car l’EUSRR ne s’applique qu’aux navires battant pavillon d’un pays européen. En changeant de pavillon, les armateurs peuvent contourner la réglementation européenne les exemptant de l’obligation d’envoyer leurs navires dans des chantiers navals certifiés par l’UE. Ce contournement du règlement a conduit à ce que l’EUSRR n’ait pas l’effet escompté. Pour remédier à ce contournement, l’UE s’est penchée sur les instruments financiers. L’une des options est ce que l’on appelle la licence de recyclage des navires, qui implique la perception de droits à chaque fois qu’un navire entre dans un port européen. Le capital collecté pourrait ensuite être utilisé pour subventionner la gestion durable des navires en fin de vie, y compris une somme payable aux armateurs pour les inciter à choisir un chantier naval sur la liste européenne. De cette manière, les armateurs sont encouragés à opter pour des chantiers navals plus durables.
Un autre point de critique concerne la possibilité d’une application non uniforme du règlement par les États membres. L’article 11 du règlement stipule que le contrôle par l’État du port est effectué conformément au droit national, ce qui peut conduire à des applications variables selon les pays. Pour éviter cela, l’UE devrait surveiller attentivement la manière dont les États membres mettent en pratique l’EUSRR et veiller à ce que son application soit aussi uniforme que possible.
Conclusion
À la lumière des critiques exprimées, des réserves existent actuellement quant à l’efficacité de l’EUSRR. Il convient toutefois de noter que les préoccupations concernant les changements de pavillon des navires semblent être résolues par l’instrument financier proposé. Quant aux critiques concernant l’application de la réglementation et les divergences potentielles entre les États membres, le temps nous dira si ces préoccupations sont justifiées. La prochaine évaluation en décembre 2023, comprenant une consultation publique, fournira des informations précieuses sur l’efficacité de l’EUSRR. Il appartiendra à l’UE d’améliorer encore cette situation en répondant aux préoccupations, faisant ainsi progresser l’objectif plus large consistant à établir une industrie de recyclage des navires plus sûre.
Ce blog a été rédigé dans le cadre de la série de conférences Sustainability & Law (Série Duurzaamheid et faculté de droit).