Ecrivaine engagée auprès de la cause des combattante kurdes de Syrie et membre de l’association Ecrivains de marine, Katell Faria a publié fin mai Aux vents des terres australes. Dans cet ouvrage, elle raconte son embarquement à bord de la frégate de surveillance Nivôse pour une mission de surveillance dans les terres australes antarctiques françaises. Quand on la lit et qu’on se renseigne sur son parcours, on a l’impression d’une jeune femme à l’énergie débordante et en pleine forme physique. Et pourtant, comme elle l’évoque brièvement dans son livre, la Francilienne de 34 ans souffre d’hypothyroïdie et de troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). « Mais chez moi c’est plus l’inattention que l’hyperactivité qui domine », s’amuse-t-elle. Pour Top Santé elle se confie sur son parcours de santé et raconte comment elle a su utiliser ses handicaps pour les transformer en atout dans son métier si particulier.
« J’ai toujours été fatiguée, j’ai toujours eu l’impression que je me fatiguais plus vite que tout le monde mais quand j’étais plus jeune je me bottais les fesses », raconte Katell Faria. Semi-marathons, danse, boxe, stages de parachutisme, engagement en tant que réserviste…l’écrivaine, refuse de s’écouter. Le sport lui fait du bien. « Et comme j’avais une bonne hygiène de vie, je mangeais sainement et je n’ai jamais été une grosse fêtarde, c’était dur, je mettais plus de temps à récupérer que les autres, mais ça passait. » Jusqu’à il y a quatre ans. « La fatigue est passée à un autre stade, je devais faire des sieste tout le temps, je n’avais de l’énergie pour rien et je savais que ça n’avait rien de psychologique. »
Refusant un diagnostic un peu trop facile qui la taxait de dépressive, Katell insiste auprès de son médecin généraliste pour passer des analyses, encore et encore jusqu’à ce que… le verdict tombe : la jeune femme souffrait en fait de thyroïdite de Hashimoto, la plus fréquente forme d’hypothyroïdie auto-immune. La maladie se caractérise notamment par la présence d’anticorps anti-thyroperoxydase et par une infiltration lymphoïde de la glande thyroïde.
Epuisement, nausées, vertiges…
« Le diagnostic a été posé il y a quatre ans mais je devais être atteinte de ça depuis longtemps. La grande fatigue, la frilosité, les problèmes digestifs… j’avais ça depuis l’adolescence. C’est une maladie insidieuse qui fait son lit lentement. Alors, on se dit qu’on a mal dormi, qu’on manque de vitamines et on apprend à supporter ça au quotidien », raconte l’écrivaine.
Pour commencer, son médecin lui prescrit du Levothyrox 35 mg. « Petit dosage » qu’il augmentera ensuite au fur et à mesure. « On ajustait le traitement en fonction des prises de sang. Le corps a tendance à compenser, donc c’est compliqué à voir dans les analyses. Parfois on se rend compte que le dosage n’est plus adapté avec plusieurs mois de retard. Pendant les premiers mois, le traitement m’a fait du bien mais ensuite ma fatigue a commencé à revenir par phases. »
Et, il y a un an et demi environ, les choses empirent. « Je suis exténuée, je me réveille épuisée. Jusque-là, au réveil, c’est comme si mes batteries étaient chargées à 70%, là on est passé à 30%. Moi qui marchais des heures tous les jours, aujourd’hui, j’ai les jambes coupées au bout de 20 minutes. Je souffre de vertiges, de nausées et ma vue se brouille régulièrement alors que j’ai été opérée de la myopie », déplore-t-elle.
« Cela fait deux ans que je ne me reconnais pas »
Mais c’est en immersion au RPMA à la Réunion où elle se trouvait dans le cadre de l’écriture du livre collectif Ecrivains sous les drapeaux que Katell prend vraiment conscience d’à quel point son état de santé s’est dégradé. « Je voulais me mêler aux soldats pour ne me contenter d’être spectatrice. Pendant la descente en rappel, ça allait mais pendant la « piste d’audace », sorte de parcours du combattant, je me suis retrouvée à bout de souffle, complètement à plat. Puis, quelques jours plus tard, j’ai réalisé un parcours aquatique. Là, j’ai cru que j’allais me noyer dans la piscine. Ça été un vrai coup de massue, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. »
Alors, c’est reparti pour un tour. Pendant des mois, la jeune femme subit une batterie de tests et enchaîne des consultations. Là encore, les médecins n’ont qu’un mot à la bouche : « dépression ». Sans réponse. Jusqu’à ce que fin juillet 2024, il y a un mois, une IRM ne révèle la présence d’un adénome dans son cerveau. « C’est une tumeur bénigne, minuscule qui s’est formée au niveau de l’hypophyse », explique Katell qui attend le retour de son médecin généraliste pour décider de la suite des opérations. « En France, cela s’opère bien, j’espère que l’on pourra me retirer cet adénome par chirurgie car cela fait presque deux ans que je ne me reconnais plus. »
Fatigue extrême, libido en berne, migraines écrasantes et confusion mentale…l’écrivaine coche touts les symptômes et a lutté pour venir à bout de son dernier ouvrage. « Ces derniers mois, je peinais même à lire et à écrire, les deux choses sur lesquelles j’avais toujours réussi à focaliser mon attention jusque-là. »
Une enfance à regarder voler les papillons
Car en plus de ses problèmes de thyroïde, Katell est atteinte de TDAH. « Je suis convaincue que c’est le cas depuis toujours », assure la jeune femme qui se souvient avoir passé le plus clair de son enfance à « regarder passer les papillons ».
« Jusqu’à mes 12 ans, où j’ai fini par me botter les fesses, je n’avais aucun ami et ne regardais pas les gens dans les yeux. J’étais complètement dans ma bulle. Ce qui m’a sauvée toutes ces années, c’est la lecture. Les livres étaient mes meilleurs amis, mes plus précieux trésors. Beaucoup de gens sont persuadés que les personnes qui souffrent de troubles de l’attention sont hyperactives mais ce n’est pas toujours le cas. J’étais une enfant très calme et sage, pas une gamine bruyante. Je ne dérangeais personne et aucun adulte ne s’est inquiété de rien. D’autant plus qu’une fois l’école terminée, j’ai voulu faire plaisir à mes parents en choisissant la voie classique et normative de la traditionnelle école de commerce. Je luttais pour m’intéresser à de nombreuses matières mais je me suis accrochée et j’ai pensé pouvoir me satisfaire de ça pendant longtemps.» Avant de complètement bifurquer à 28 ans, l’âge où ses rêves l’ont rattrapée.
Sa mère, toutefois, s’est posée des questions. « Quand j’ai officiellement été diagnostiquée TDAH, elle m’a avoué qu’elle s’était demandé plusieurs fois si je n’étais pas atteinte de troubles autistiques », confesse Katell. « Elle m’avait plusieurs fois emmenée consulter des psys mais ceux-ci avait vite expédié le problème. »
« J’ai énormément de difficultés à moduler mon attention »
Comment ce diagnostic a-t-il fini par tomber, en octobre 2021 ? Alors qu’elle regarde sur Arte un documentaire sur le TDAH, Katell tombe des nues. C’est d’elle dont on parle ! Ni une ni deux, elle prend rendez-vous au département du neurodéveloppement chez l’adulte à St Anne. Le résultat ne se fait pas attendre : la jeune femme est bien atteinte de troubles de l’attention, comme 3,5 % des personnes en France.
Ce trouble se définit par l’association, à différents degrés, d’un déficit attentionnel, d’une hyperactivité motrice et d’une impulsivité. Ainsi, certains, comme Katell, souffrent surtout d’un déficit de l’attention (incapacité à maintenir son attention, à terminer une tâche, oublis fréquents…) tandis que d’autres ont une dominante d’hyperactivité motrice (agitation incessante, incapacité à rester en place) ou une impulsivité (difficulté à attendre, tendance à interrompre les activités des autres).
A défaut d’hyperactivité physique, son psychiatre lui parle d’hyperactivité mentale. « Soi je suis en contemplation totale, soi je mouline sans discontinuer. J’anticipe énormément les choses, ça me rassure. Comme il m’arrive d’avoir des problèmes dans les évènements mondains, j’oublie les visages par exemple, j’ai pris l’habitude d’imaginer comment chaque instant allait se passer. J’ai fini par maîtriser ça mais c’est épuisant. »
Soulagée d’enfin pouvoir poser un mot sur un trouble qui l’a parasitée toute sa vie, la jeune femme est aujourd’hui prise en charge avec un psychostimulant qui se diffuse sur quatre heures. « Cela m’aide beaucoup mais j’aime m’en passer quand je le peux. Mon psychiatre me fait confiance là-dessus et je le prends surtout quand je suis en grosse phase d’écriture. Mais quand j’ai bien dormi et que je suis passionnée par mon sujet, j’évite. Je vis comme une victoire le fait de ne pas avoir besoin de ce coup de pouce. »
Mais si sa vie d’antan en école de commerce, puis dans le monde de l’entreprise, lui a appris à mettre en place des stratégies pour focaliser son attention sur des sujets qui ne lui parlent pas, elle est consciente du « plafond de verre » au-dessus de sa tête. « Ce n’est pas qu’une question de volonté. C’est un trouble neurologique, un problème de neurotransmetteurs. J’ai énormément de difficultés à moduler mon attention. Mais quand un sujet m’intéresse profondément, je peux avoir une excellente mémoire et une grande capacité de travail. Je deviens même obsessionnelle et j’en oublie de manger. »
Enfin à sa place
Car le TDHA n’est pas qu’un handicap. Cette attention au détail d’apparence anodine qui caractérise nombre des personnes qui en sont atteintes fait aujourd’hui la force de son écriture. Preuve en est avec son dernier livre où elle raconte son voyage à bord du Nivôse. « Un embarquement c’est épuisant, tu dois sans cesse trouver des appuis, sans arrêt faire des siestes pour lutter contre le mal de mer. Mon défi c’était d’être attentive à tout. Car en tant qu’écrivaine, mon travail n’a pas d’horaire. Du lever au coucher, il faut capter chaque détail, chaque changement d’ambiance. »
C’est pourquoi, son quotidien d’écrivaine a beau ne pas être une sinécure, Katell ne le troquerait pour rien au monde. Pas une fois, elle n’a regretté d’avoir envoyer valser sa sécurité pour cette nouvelle vie d’aventure. « Les TDAH ont souvent des carrières instables et finissent régulièrement dans des boulots sous qualifiés car ils peinent à trouver leur place. Si je n’avais pas fini par trouver ma voie, j’aurais sans doute décliné. Aujourd’hui, j’écris des livres, j’inspire des gens, je me sens utile, je construis mon autonomie financière petit à petit. Il y a des moments où je me sens épuisée. J’ai fait tellement d’efforts pour en arriver là que j’aimerais juste pouvoir être tranquille désormais. Mais tant reste à faire…Si j’étais dans une forme physique suffisante, je trouverais le moyen d’avoir un travail à côté de mon activité d’écrivaine mais je suis tellement épuisée que je suis incapable d’avoir un emploi en parallèle. Qu’importe, je sais que je suis au bon endroit. Les choses sont encore très incertaines et rien n’est gagné mais jamais je n’ai été aussi accomplie qu’aujourd’hui. »
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