Sorithy Sor : de l’enfer des Khmers rouges aux ateliers d’Airbus

l’essentiel Il y a 50 ans, les Khmers rouges plongent le Cambodge dans une dictature sanglante. À 17 ans, Sorithy Sor fuit son pays. Rescapé des camps de travail, réfugié en France, il deviendra ingénieur chez Airbus et Meilleur Ouvrier de France. Dans un livre poignant, il revient sur son incroyable destin.

Il y a tout juste 50 ans, le Cambodge entrait dans l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Pendant près de quatre ans, entre 1975 et 1979, le pays est plongé dans la dictature totalitaire des Khmers rouges où privations, exactions, esclavage des populations et massacres de masse deviennent la norme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : on estime qu’entre 1,5 et 2 millions de Cambodgiens ont péri pendant cette période, soit plus de 20 % de la population.

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Au milieu du chaos, certains sont parvenus à survivre en s’exilant. C’est le cas de Sorithy Sor, aujourd’hui âgé de 65 ans et installé à Fontenilles, près de Toulouse. Son parcours hors du commun est au cœur de son livre « Odyssée d’un jeune Khmer », publié en décembre 2023 en autoédition. Il y raconte son enfance bouleversée par l’arrivée des « hommes en noir », ses années de survie dans les camps de travail, son exil risqué vers la Thaïlande, puis sa reconstruction en France. Le récit, rédigé avec l’aide de sa femme et de l’un de ses fils, alterne souvenirs intimes et faits historiques.

La vie normale est éradiquée

Adolescent, Sorithy voit sa vie et celle de sa famille basculer. « Au début, j’étais content de voir arriver les Khmers rouges. On croyait en un avenir meilleur. Mais très vite, on a compris. Les exécutions, les déportations… » Les jeunes comme lui sont envoyés dans des camps de travail aux conditions extrêmes. « On travaillait du matin au soir pour un bol de riz et le soir on nous réunissait pour nous laver le cerveau. »

Le régime cherche à éradiquer toute trace de l’ancien monde. « Ils ont tout supprimé : argent, écoles, pagodes, rires… Même flirter était interdit. Les cadres, eux, se permettaient tout. J’ai vu des scènes révoltantes. Mais dans mon livre, j’ai choisi de ne pas tout décrire. »

Exil et nouvelle vie

En juin 1977, Sorithy décide de fuir avec trois amis. « Cela me demanda beaucoup de force et de courage de tout abandonner… » Après huit nuits de marche clandestine, ils parviennent à franchir la frontière thaïlandaise. L’adolescent, affamé et épuisé, ne pèse plus que 43 kg pour 1,64 m. Quelques semaines plus tard, il obtient l’asile en France, où réside déjà un de ses oncles.

Sorithy le jour de son départ du camp thaïlandais le 18 mai 1978 en compagnie d’un réfugié cambodgien..
Sorithy le jour de son départ du camp thaïlandais le 18 mai 1978 en compagnie d’un réfugié cambodgien.. Collection personnelle.

Il ne parle pas un mot de français mais s’investit intensivement dans l’apprentissage de la langue. Le hasard le conduit à Toulouse, ville aéronautique qui l’enthousiasme. Passionné de technique, Sorithy s’oriente vers ce domaine. « En 1977, j’étais dans un camp de travail. Et un an plus tard, j’étais en France. En 1982, j’ai été embauché chez Aérospatiale, devenu Airbus », raconte-t-il avec émotion.

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Sa carrière sera remarquable : il travaillera sur plusieurs modèles d’Airbus et recevra de nombreuses distinctions pour ses innovations. En 1997, le survivant des Khmers rouges est décoré du titre de Meilleur Ouvrier de France en mécanique générale.

Sorithy et ses collègues devant l’Elysée lors de la remise du concours du MOF en mai 1997.
Sorithy et ses collègues devant l’Elysée lors de la remise du concours du MOF en mai 1997. Collection personnelle.

Son ancrage en France s’approfondit avec la rencontre de Christiane, devenue son épouse en 1986 et mère de leurs trois fils. Le décès de son frère en 2022 et la naissance de sa petite-fille en 2018 l’incitent à mettre par écrit ses mémoires, amorcées dès ses premières années d’exil.

Un livre au bénéfice de centaines d’écoliers

Les bénéfices du livre ont financé la création de deux classes dans l’école primaire de Kampang Keut, sa ville natale, et serviront à l’entretien du bâtiment. En octobre dernier, il a reçu le grand prix du livre « Persévérance vers l’excellence » décerné par la société des Meilleurs Ouvriers de France.

L’école primaire Kampang Keut ouverte depuis 1983 accueille 400 élèves.
L’école primaire Kampang Keut ouverte depuis 1983 accueille 400 élèves. Sorithy Sor.

Aujourd’hui à la retraite, Sorithy transmet son savoir aux jeunes apprentis. Par son histoire, il incarne une résilience silencieuse et un devoir de mémoire indispensable.

En quelques dates

1960 : Naissance au Cambodge

1975 : Arrivée au pouvoir des Khmers rouges

1978 : Arrivée en France

1982 : Embauche chez Aéronautique qui deviendra Airbus

1997 : MOF

2023 : Publication de son témoignage

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