Reportage. Au Cambodge, des villages d’irréductibles Cham résistent encore et toujours aux sunnites

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Aux abords d’un village voisin de Lovek, la capitale de l’ancien royaume du Cambodge, seuls le ronronnement d’un ventilateur électrique et le bourdonnement des insectes alentour meublent le silence. Lentement, une pulsation se fait entendre depuis le grand tambour accroché sous l’auvent. De ce battement naît peu à peu une urgence, le rythme s’accélère, encore et encore, jusqu’à ce que l’appel s’arrête et que le calme revienne dans la cour déserte. Vêtu de blanc, le joueur de tambour s’assied au sol et prépare un service à thé. Au bout de quelques minutes, les villageois, des hommes en robe de la même couleur pour la plupart, sortent des maisons toutes proches et se rassemblent pour leur prière hebdomadaire.

Tous sont adeptes de la Kan Imam San, une école islamique dont les disciples sont presque exclusivement issus de quelques villages cham isolés de la campagne cambodgienne. Ils ne prient que le vendredi, ont leurs propres textes saints et leur système d’écriture, et n’observent pas tous les préceptes de la charia. Si leurs coutumes semblent même souvent aller à l’encontre de ce que l’écrasante majorité des musulmans du monde considèrent comme l’islam, ils se revendiquent eux aussi comme les gardiens de l’islam authentique de leurs ancêtres.

Alors que la quasi-totalité des Cham et des musulmans du Cambodge suivaient autrefois les traditions de Kan Imam San, leur nombre a diminué au fur et à mesure que des villages entiers se convertissaient à l’islam sunnite, dominant. Aujourd’hui, seules 44 mosquées, représentant moins de 10 % de la population musulmane du Cambodge, résistent à la tentation de se convertir et de profiter des avantages qu’offre la communauté musulmane internationale.

Les descendants de royaumes écrasés par les Vietnamiens

Les Cham sont un groupe ethnolinguistique distinct dont les ancêtres ont construit le royaume de Champa dans ce qui est désormais le sud du Vietnam. Pendant deux mille ans, les royaumes cham se sont disputé le pouvoir avec leurs voisins vietnamiens et khmers, jusqu’à ce que le Champa soit finalement détruit et occupé par le Dai Viet en 1832, et que la majeure partie de sa population fuie vers l’actuel Cambodge. Le roi Ang Duong, qui régnait sur le Cambodge depuis sa résidence du mont Oudong, près des vestiges de Lovek, dans la province de Kandal, a autorisé les Cham à établir une mosquée sur la montagne et à installer des villages dans la région.

Aujourd’hui encore, cette mosquée est considérée comme leur site sacré, et les Kan Imam San y effectuent chaque année un pèlerinage de trois jours. Le reste de l’année, elle est déserte, à l’exception des quelques bénévoles qui en assurent l’entretien. Le roi Ang Duong a également accordé à leur chef spirituel, l’imam San (qui a donné son nom à ce courant), la possibilité d’utiliser le titre d’“Oknha Khnour”, une combinaison du titre noble khmer “Oknha” et du mot cham signifiant “vénérable”. Depuis lors, les Oknha Khnour successifs ont été approuvés par la communauté et officiellement intronisés par le monarque régnant.

L’actuel Okhna Khnour, Math Sa, le neuvième, considère qu’il est de son devoir de préserver ce courant : “Nous avons déjà perdu notre terre, alors nous ne pouvons pas perdre [notre identité] aussi. C’est notre fierté”, développe-t-il lors d’un entretien, juste après l’appel à la prière au tambour, dans sa mosquée du district de Kampong Tralach, dans la province de Kampong Chhnang. Il précise que le Cambodge compte aujourd’hui quelque 30 000 adeptes de Kan Imam San, sur une population cham d’environ 300 000 personnes. Cela s’explique selon lui par le fait que les musulmans sunnites reçoivent une aide substantielle de la communauté musulmane, en particulier de la Malaisie, de l’Indonésie et du Koweït.

L’ambassade d’Indonésie, par exemple, indique sur son site web qu’elle a accordé des bourses complètes, comprenant l’allocation de subsistance et le logement, à 150 diplômés de la meilleure école sunnite de Phnom Penh. La Malaisie, le Koweït et le Qatar proposent des bourses similaires. La communauté

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