Qui sont les chrétiens du Cambodge

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Le JDD. Vous avez exercé votre ministère dans les régions reculées, au milieu des montagnes du Mondol Kiri, mais aussi dans des zones urbaines. Vous avez donc une vue d’ensemble des chrétiens du Cambodge d’aujourd’hui. Qui sont-ils ?

Père François Hemelsdael. Les communautés chrétiennes du Cambodge sont très réduites et disséminées un peu partout à travers le pays. Mais ce qui les caractérise le plus, c’est leur dynamisme.

Il faut savoir qu’avant la guerre, les chrétiens au Cambodge étaient principalement de nationalité vietnamienne. Il s’agissait d’immigrés. Les Cambodgiens étaient très minoritaires. D’ailleurs, les prêtres des MEP (Missions étrangères de Paris), en arrivant au Cambodge, apprenaient le vietnamien.

La période douloureuse de la guerre civile (1967-1975) a complètement changé la donne : les Vietnamiens sont partis, chassés. Mais même avant la guerre, l’évêque de Phnom Penh, à l’époque monseigneur Ramousse, avait demandé qu’une plus grande place soit laissée aux Cambodgiens dans l’Église. Le tournant avait été amorcé avec une volonté de « khmériser » l’Église. La prière du « Notre Père » était par exemple récitée en khmer.

« Je vois ici des chrétiens qui cessent d’avoir peur des esprits, des démons, de la mort »

Puis, après la guerre, lorsque les Cambodgiens déportés sont revenus sur leur territoire. Un certain nombre d’entre eux avaient été baptisés dans les camps de réfugiés, en Thaïlande. À leur retour dans les années 1992-1993, dans leurs villages, des communautés ont commencé à apparaître et, les prêtres aidant, elles ont grandi.

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Cela reste de petites communautés puisque les Khmers sont à 99 % des bouddhistes. Et cela fait partie intégrante de leur individualité : être khmer, c’est être bouddhiste. Donc quand un Cambodgien devient chrétien, il trahit en quelque sorte sa patrie.

Pourquoi avez-vous choisi le Cambodge, pour votre ministère ?

On me dit en effet parfois : « Pourquoi aller au Cambodge ? Les Cambodgiens ont leur propre religion. » Moi, je vois surtout ici des chrétiens qui cessent d’avoir peur des esprits, des démons, de la mort… Je vois des jeunes qui s’épanouissent humainement et spirituellement. Parce que le bouddhisme est difficile. Il y a peu de pardon dans cette religion. Et l’amour, qui est une entrave, un attachement, est considéré comme mauvais en soi.

Vous avez exercé dans un territoire particulier, dans la région encore reculée du Mondol Kiri : qui sont les catholiques sur ces territoires ?

En effet, après mes sept ans d’exercice à Kampong Cham, j’ai exercé sept années dans le Mondol Kiri. Les minorités ethniques qui y vivent sont très particulières : elles ne sont pas cambodgiennes. Les habitants possèdent certes la nationalité khmère, mais ne sont pas des Khmers : ce sont des « Bunong », ce qui se traduit par « sauvages ». Ce sont les habitants de la forêt. Tous travaillent aux champs. Ils ne sont, eux, pas bouddhistes, mais animistes : ils croient donc aux esprits – esprit de la forêt, esprit de la rivière…

« En septembre dernier par exemple, j’ai baptisé 200 adultes »

Depuis quelques années, j’ai vu s’opérer un très grand nombre de conversions au sein ce peuple. Et ce qui est étonnant, c’est qu’ils se font baptiser par familles entières. En septembre dernier par exemple, j’ai baptisé 200 adultes, qui sont très pratiquants. Je n’en ai vu aucun déserter l’Église. Ils découvrent, par l’Église, la force d’une famille. La liturgie aussi les attire beaucoup. Tous suivent une catéchèse, de deux ou trois ans minimum. Ils deviennent chrétiens parce que la société bunong est en crise. Le modèle traditionnel et leur façon de vivre, retirée, sont complètement remis en cause par la société actuelle.

Dans votre diocèse justement, combien de chrétiens comptiez-vous ?

Je comptais 5 000 chrétiens, tout au plus. Dans tout le pays, on estime à 15 000 le nombre de catholiques cambodgiens, dont les deux tiers sont vietnamiens. Et les protestants se disent 100 000.

À quelles difficultés vous heurtiez-vous ?

La grosse difficulté de l’Église, c’est la persévérance. Il y a beaucoup de baptisés, 40 %, qui arrêtent de pratiquer. Ce matin, j’ai confessé un paroissien qui n’était pas venu depuis quatre ans, depuis son baptême.

« L’Église cambodgienne regroupe 100 prêtres catholiques, pour tout le pays »

Le second problème, c’est l’argent : on aide beaucoup financièrement. Et il faut bien être attentif au fait de ne pas attirer pour de mauvaises raisons. Or, on sait que dans les campagnes, les habitants viennent nous voir par besoin. Mais le jour où l’on arrêtera d’aider, cela sera difficile pour eux de continuer à pratiquer.

C’est la raison pour laquelle il y a un discernement très important à exercer sur les raisons de la demande de baptême : les personnes qui viennent nous voir suivent une catéchèse de deux à cinq ans. Cette année, on compte 300 catéchumènes catholiques dans tout le pays.

Quel est le visage des prêtres, aujourd’hui au Cambodge ?

L’Église cambodgienne regroupe 100 prêtres catholiques, pour tout le pays. Et la plupart sont des étrangers. Nous comptons 13 prêtres d’origine cambodgienne ; sept jeunes suivent la propédeutique, ainsi que trois grands séminaristes. Nous, au MEP, nous sommes une dizaine de prêtres, au service d’une église locale et d’un évêque, comme les prêtres diocésains en France.

Quels sont les grands défis de l’église cambodgienne de demain ?

Le travail des prêtres en général ici est de faire en sorte que l’Église devienne vraiment khmère, qu’elle soit acculturée et qu’elle devienne autonome, notamment financièrement. Sans l’argent qui vient de l’étranger, aujourd’hui, elle serait clairement en difficulté.

Je vois aussi des signes d’espérances bien sûr : 13 prêtres ordonnés, depuis la fin de la guerre, c’est assez impressionnant pour une si petite communauté catholique en comparaison d’autres pays. Et nous sommes fiers d’avoir actuellement un évêque khmer, local, à Kampong Cham. Le jour où les trois évêques seront khmers, et qu’il y aura plus de prêtres et de religieuses cambodgiens, là, le défi sera relevé.

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