Perspectives mondiales sur l’enseignement de l’arbitrage international d’investissement : utilisation efficace de l’analyse comparative de l’arbitrage des traités d’investissement et du règlement des différends de l’OMC

L’Organisation mondiale du commerce (« OMC“) Le règlement des différends s’apparente à un cousin éloigné pour la communauté du droit des investissements. De nombreux avocats en investissement en savent peu, sauf qu’il existe. Il fonctionne dans un cadre de traité différent et implique des procédures différentes de l’arbitrage des traités d’investissement. Cependant, il s’agit de l’un des deux mécanismes de règlement des différends économiques internationaux les plus fréquemment utilisés et a de nombreuses implications pour l’arbitrage des traités d’investissement. L’analyse comparative de ces mécanismes est utile aux étudiants, ainsi qu’aux universitaires et aux praticiens, pour mieux comprendre comment ils fonctionnent et peuvent être réformés. Cet article explique pourquoi et comment j’utilise l’analyse comparative dans l’enseignement de l’arbitrage des traités d’investissement.

1. Pourquoi j’utilise l’analyse comparative

D’abord, c’est par nécessité

Pendant plus de deux décennies, j’ai enseigné le droit international des investissements et l’arbitrage, principalement au Japon, mais aussi occasionnellement dans d’autres pays. L’enseignement du droit international de l’investissement dans un pays comme le Japon est difficile en raison de la familiarité limitée des étudiants (et des praticiens) avec le sujet. Cette méconnaissance découle du fait que le pays n’a connu jusqu’à présent que quelques cas d’arbitrage de traités d’investissement. Selon le Navigateur sur le règlement des différends relatifs aux investissements de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les investisseurs japonais n’ont déposé que six demandes d’arbitrage en vertu d’un traité d’investissement et le Japon n’a été le défendeur que dans une seule affaire (en mai 2023). En outre, dans les affaires enregistrées en vertu de la Convention du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et du Règlement du mécanisme supplémentaire depuis 1966seulement trois nominations de ad hoc les membres du comité (et aucune nomination d’arbitres ou de conciliateurs) n’ont été effectués parmi les ressortissants japonais (en juin 2022).

En revanche, le Japon est l’un des utilisateurs les plus fréquents du système de règlement des différends de l’OMC. Les connaissances et l’expérience dans le règlement des différends commerciaux se sont accumulées au fil des ans et de nombreux livres et documents accessibles (ce qui signifie souvent qu’ils sont écrits en japonais) sont disponibles pour les étudiants. De nombreux étudiants connaissent au moins quelque chose sur l’OMC et son mécanisme de règlement des différends grâce à la couverture médiatique ou à leurs propres expériences avant de suivre un cours.

Dans ces circonstances, l’utilisation de la comparaison avec le règlement des différends de l’OMC est non seulement utile mais également nécessaire pour aider les étudiants à comprendre les procédures et l’importance de l’arbitrage des traités d’investissement. Comme Yannick Radi l’a souligné à juste titre dans un article précédent de cette série sur l’enseignement de l’arbitrage international des investissements, une perspective « macro-géographique » et « micro-intuitu personae » devrait éclairer la conception des cours.

Mais il n’y a pas que ça !

L’analyse comparative est utile dans les salles de classe non seulement au Japon mais aussi dans d’autres pays avec des publics différents. Il y a plusieurs raisons à cela.

Premièrement, les sujets de l’arbitrage des traités d’investissement et du règlement des différends de l’OMC sont similaires en ce sens que les différends en matière d’investissement et de commerce découlent des activités économiques de parties privées soumises à des réglementations gouvernementales étrangères. Les sujets se chevauchent parfois, comme l’illustrent le plus clairement les différends en matière d’investissement et de commerce concernant la réglementation australienne sur l’emballage neutre du tabac..

Deuxièmement, malgré la similitude des matières, les deux mécanismes ont des procédures très différentes, et leur comparaison a naturellement provoqué des discussions entre étudiants. Prenons comme exemple la différence la plus évidente : les investisseurs privés ont accès à l’arbitrage des traités d’investissement sous certaines conditions, tandis que seuls les gouvernements peuvent avoir recours au règlement des différends de l’OMC. Pour être plus précis, le règlement des différends entre États est prévu dans la plupart des accords d’investissement mais n’est guère utilisé alors que le règlement des différends entre parties privées n’existe pas à l’OMC. Peut-être que l’histoire explique la différence : le règlement des différends entre investisseurs et États (« ISDS« ) a été créé pour compléter, sinon remplacer, une protection diplomatique inefficace entre États, alors que le règlement des différends de l’OMC trouve son origine dans les accords commerciaux des années 1930 établissant l’équilibre réciproque des avantages entre les États contractants. La différence peut également refléter la différence d’objectifs : les accords d’investissement protègent les droits des investisseurs étrangers, alors que les accords de l’OMC protègent les droits des membres (principalement des États).L’analyse comparative permet aux étudiants de mettre en perspective l’arbitrage des traités d’investissement et de réfléchir à sa raison d’être. La section suivante de ce billet de blog décrit brièvement d’autres différences et certaines similitudes que j’utilise pour l’analyse comparative dans mes cours.

Troisièmement, l’arbitrage des traités d’investissement et le règlement des différends de l’OMC sont actuellement confrontés à une crise existentielle et subissent un processus d’examen et de réforme. Alors que les efforts visant à réformer l’arbitrage des traités d’investissement se poursuivent dans diverses instances, notamment le Groupe de travail III de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), un nombre croissant de pays choisissent de ne pas inclure l’ISDS dans leurs accords d’investissement ou de se retirer des accords existants avec l’ISDS. Pendant ce temps, les pourparlers sur la réforme du règlement des différends de l’OMC progressent lentement et l’avenir de l’Organe d’appel dysfonctionnel reste sombre. Bien que la crise de l’arbitrage des traités d’investissement et celle du règlement des différends de l’OMC posent des préoccupations et des problèmes différents, des leçons peuvent être tirées de l’analyse comparative. Inutile de dire que ce qui fonctionne dans un mécanisme n’est pas nécessairement transposable dans l’autre. À cet égard, il est plutôt ironique qu’un tribunal multilatéral des investissements soit censé améliorer l’ISDS en apportant cohérence et cohérence, alors que l’Organe d’appel de l’OMC a énormément contribué à assurer la cohérence et la cohérence, qui a été critiqué pour sa participation à l’élaboration des lois. Néanmoins, l’analyse comparative offre aux étudiants un aperçu des options de réforme disponibles.

2. Comment j’utilise l’analyse comparative

Afin d’utiliser efficacement l’analyse comparative, il est crucial de sélectionner les différences et les similitudes les plus pertinentes pour la comparaison. Voici deux comparaisons que j’utilise souvent dans mes cours.

Sélection des membres du tribunal

L’un de mes sujets de comparaison préférés est la sélection des membres du tribunal.

Dans l’arbitrage des traités d’investissement, les arbitres sont généralement nommés par les parties et les nominations par les autorités de nomination sont souvent des choix secondaires. Le contrôle des parties sur la nomination des arbitres est l’un des facteurs les plus importants pour garantir la légitimité de l’arbitrage des traités d’investissement, du moins aux yeux des parties. En revanche, les parties au différend de règlement de l’OMC ont un contrôle limité sur la nomination des membres du tribunal. Les membres des groupes spéciaux de règlement des différends de l’OMC sont en grande partie nommés par le Directeur général de l’OMC, et les membres de l’Organe d’appel sont nommés par consensus de l’Organe de règlement des différends, un organe politique de l’OMC.

Les attributs des membres du tribunal sont également différents. Alors que les arbitres en matière d’investissement ont presque toujours une formation en droit, qu’ils soient juristes commerciaux ou universitaires en droit international public, les membres des groupes spéciaux de règlement des différends de l’OMC sont souvent des fonctionnaires actuels ou anciens qui n’ont peut-être pas de formation juridique.

Dans l’arbitrage des traités d’investissement, on craint que la double casquette ne porte atteinte à l’indépendance et à l’impartialité des arbitres et à la réputation de l’arbitrage des traités d’investissement. Selon le CIRDI, la double casquette est généralement comprise comme la pratique par laquelle une personne agit dans deux rôles différents dans les affaires ISDS simultanément ou dans un court laps de temps. Cependant, une telle préoccupation est à peine entendue dans le contexte du règlement des différends de l’OMC. Le manque d’inquiétude s’explique probablement par le fait que la pratique de la double casquette est relativement limitée à l’OMC, alors qu’elle est assez courante dans l’arbitrage des traités d’investissement.

Le but de ces comparaisons n’est pas de déterminer quel mécanisme est le meilleur. De toute évidence, il n’y a pas de mécanisme meilleur ou pire, juste différents. Mon objectif est d’inciter les étudiants à se poser des questions telles que pourquoi les mécanismes sont différents, si les différences sont justifiées et s’ils peuvent croiser leurs expériences.

Interprétation et application de la loi

Un autre sujet de comparaison intéressant est l’interprétation et l’application de la loi. Les pratiques d’arbitrage des traités d’investissement et de règlement des différends de l’OMC ont beaucoup en commun, mais il existe également des différences notables qui méritent d’être discutées.

Par exemple, tant les tribunaux d’arbitrage des traités d’investissement que les groupes spéciaux de l’OMC interprètent le droit applicable conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public, en particulier celles codifiées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités (« VCLT« ), mais leurs approches du précédent sont différentes : les tribunaux d’arbitrage des traités d’investissement sont parfois prudents lorsqu’ils décident de suivre ou non les précédents interprétatifs des tribunaux précédents, tandis qu’à l’inverse, les groupes spéciaux de l’OMC hésitent généralement à s’écarter des interprétations antérieures d’autres groupes spéciaux et de l’Organe d’appel.

En termes d’application du droit, les tribunaux d’arbitrage des traités d’investissement et les groupes spéciaux de l’OMC reconnaissent généralement la nécessité de préserver le droit de réglementer, au moins dans une certaine mesure, mais ils diffèrent considérablement dans la manière de respecter les droits du défendeur. Par exemple, la légitimité de la mesure du défendeur peut être prise en compte dans l’examen de l’obligation de traitement juste et équitable en vertu d’un traité d’investissement (Voir, par exemple, Sentence (4 mai 2017), Eiser Infrastructure Limited et Energia Solar Luxembourg S.À.RI c. Royaume d’Espagne, affaire CIRDI n°. ARB/13/36, par. 362-363), alors que, dans le règlement des différends de l’OMC, la question de la légitimité peut se poser dans le cadre de la justification par une clause d’exception (voir, par exemple, le rapport de l’Organe d’appel (3 décembre 2007), Brésil — Mesures affectant les importations de pneumatiques rechapés, WT/DS332/AB/R, par. 214-215).

Encore une fois, le but de la comparaison n’est pas d’enseigner quelle est la « bonne » approche de l’interprétation et de l’application de la loi. Au contraire, je guide les étudiants pour qu’ils explorent en quoi leurs approches sont différentes, pourquoi elles sont différentes et si les pratiques de l’une peuvent être transposées à l’autre.

3. Ce qui peut être réalisé

L’objectif de mon cours n’est pas de donner des réponses aux étudiants mais de les encourager à réfléchir et à approfondir. J’aime leur poser des questions et leur donner différents points de vue pour qu’ils voient la complexité des enjeux. L’analyse comparative de l’arbitrage des traités d’investissement et du règlement des différends de l’OMC est extrêmement utile pour atteindre cet objectif.

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