C’est dans la province de Battambang qu’est produite une spécialité locale : les galettes de riz. Découvrons avec Pascal Médeville, leur production très artisanale.
La province de Battambang, située à l’ouest du Cambodge, à la frontière avec la Thaïlande, est réputée pour ses riches rizières, au point que la province est souvent qualifiée de « grenier à riz du Cambodge ». Le riz parfumé de Battambang, qui espère obtenir une Indication Géographie Protégé ( IGP) de l’Union Européenne, est également connu pour sa qualité. C’est à partir de ce riz que l’on fabrique une spécialité locale, renommée dans tout le pays : les galettes de riz de Battambang.
Le charme paisible de Battambang
La ville de Battambang, deuxième ville du Cambodge, a conservé ce charme désuet d’une paisible ville de province qu’ont perdu les deux autres grandes cités du pays : Phnom Penh, qui a l’ambition de devenir une ville ultra-moderne et de retrouver son statut de perle de l’Asie, et Siem Reap, devenue destination obligée des touristes de tous pays venus visiter les innombrables et incomparables temples d’Angkor.
Mais Battambang n’est pas dépourvue d’atouts touristiques : non loin de la ville se trouve quelques perles de l’architecture khmère, dont le fameux temple du Phnom Banan, dont la version qui subsiste aujourd’hui a été construite par le roi le plus célèbre du Cambodge ancien, Jayavarman VII (env. 1150-1218). Le Phnom Banan est juché au sommet d’une colline haute de 400 mètres et on y accède par un escalier de pierre assez abrupt.
Les ruines d’un autre sanctuaire, moins impressionnant, se trouvent à proximité d’une pagode moderne, appelée Wat Ek Phnom. En partant de la ville, pour aller visiter ce site, on doit traverser la commune d’Ek Phnom, et notamment le village de Daun Teav.
La fabrication des galettes de riz
Les habitants de cette commune vivent en partie grâce à la production de galettes de riz, ou papier de riz, connues en khmer sous le nom de « sâmbâk naèm » (សំបកណែម, littéralement « enveloppe de nem »), parfois désignées sous leur nom vietnamien de « bánh tráng » (បាញ់ត្រាង).
Quiconque a quelque peu fréquenté les restaurants vietnamiens en Occident connaît forcément l’entrée fraîche appelée « rouleau de printemps », se composant d’un disque de pâte de riz translucide garni de salade, d’herbes aromatiques diverses, de nouilles fraîches de riz et de crevette ou de porc. C’est justement de ce disque translucide qu’il est question ici.
À Battambang, la production de ces galettes est résolument artisanale. De petits ateliers familiaux, dans lesquels travaillent deux à quatre personnes au maximum, s’affairent à fabriquer à la main ces ingrédients très goûtés des Cambodgiens et de touristes de passage.
Pour confectionner ces galettes, il faut faire tremper du riz blanc (il s’agit souvent de brisures de riz, moins onéreuses que les grains de riz entier) dans de l’eau pendant environ une heure au moins. Le riz ainsi trempé est ensuite moulu dans un moulin mécanique (un atelier spécialisé moud le riz pour tout le village). La farine ainsi moulue est agrémentée d’un peu de sel. On ajoute ensuite de l’eau de façon à obtenir un mélange tout à fait liquide. On laisse reposer le mélange pendant quelques heures.
La cuisson se fait sur une toile de nylon tendue sur l’ouverture d’un marmite remplie d’eau bouillante. La marmite repose au-dessus d’un fourneau alimenté par de la balle de riz.
La personne (le plus souvent une femme) qui est chargée de façonner et de cuire les galettes prend dans un bol métallique une dose du mélange d’eau et de farine de riz, et l’étale de façon uniforme, avec le fond du bol, sur la toile de nylon. Elle forme ainsi un disque d’une quinzaine de centimètres de diamètres. Elle place ensuite un grand couvercle sur la toile, laisse cuire une quinzaine de secondes, puis, à l’aide d’une longue spatule rectangulaire en bambou prélève la galette cuite, qui a une consistance molle. Pour améliorer la productivité, la cuisson simultanément se fait sur deux marmites : pendant qu’une galette cuit sur l’une des marmites, une autre est façonnée sur la seconde.
Le disque de pâte prélevé est placé sur un tronçon de bambou (ou, aujourd’hui, de tube en plastique) installé sur un tourniquet rudimentaire.
Une deuxième personne (le plus souvent un homme) prend le tube et étale délicatement le disque de pâte encore mou sur une claie constituée d’un cadre et de larges lattes de bambous. Ce sont ces lattes qui donnent leur relief aux galettes. Lorsque l’on se rend de Battambang à Ek Phnom, dans la matinée, on peut souvent voir sur le bord de la route ces claies sur lesquelles les galettes sont en train de sécher.
Les disques sont laissés à sécher au soleil pendant plusieurs heures. Lorsqu’ils sont secs, ils sont fortement gondolés. Il faut les placer dans de grands paniers qui sont mis au-dessus d’un bain de vapeur pendant quelques minutes. Cela permet de les amollir et d’aplanir quelque peu leur surface (mais la production artisanale ne permet jamais d’obtenir les galettes parfaitement plates et lisses que l’on trouve dans les supermarchés).
Le prix de vente de ces galettes de riz est modique (environ 1,25 dollar américain pour cent galettes en 2016). Une famille produit environ deux milles galettes par jour, ce qui, en 2016, lui procurait un revenu net, déduction faite du prix de revient, de l’ordre de huit à dix dollars américains.
Les galettes de riz constituent l’enveloppe aussi bien des « rouleaux de printemps » crus, que des « pâtés impériaux » : en effet, si dans les restaurants vietnamiens de France, ces « pâtés » sont enveloppés dans une galette réalisée à partir de farine de blé, au Cambodge (mais aussi au Vietnam), on préfère utiliser les galettes de riz.
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Cet article a été publié précedemment sur Tella Botanica
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