Le gel de l’aide américaine met en péril des projets au Cambodge

L’administration Trump a suspendu pour 90 jours l’aide américaine à l’étranger, provoquant l’arrêt brutal de nombreux programmes de développement au Cambodge. Cette décision suscite l’inquiétude des ONG et des organisations de la société civile, tandis que le gouvernement cambodgien n’a pas encore précisé l’impact de cette mesure sur les projets financés par l’USAID.

Une suspension décidée par décret présidentiel

Le 20 janvier, le président Donald Trump a signé un décret suspendant l’aide américaine à l’étranger pour une durée de trois mois. Cette décision vise à réévaluer l’alignement des financements avec les priorités de son administration, en mettant l’accent sur les intérêts et les valeurs des États-Unis. Toutefois, l’effet immédiat sur les programmes en cours reste flou, certains étant déjà financés par des allocations du Congrès.

Cette mesure a été largement critiquée à l’échelle internationale. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, par l’intermédiaire de son porte-parole Stéphane Dujarric, a exprimé son inquiétude, rappelant que les États-Unis étaient le principal donateur d’aide au développement dans le monde.

Un soutien de longue date au Cambodge

L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) gérait un budget de 22,6 milliards de dollars pour 2025. Au Cambodge, l’USAID a investi plus de 3 milliards de dollars au cours des trois dernières décennies, couvrant des secteurs clés comme la santé, l’agriculture, la gouvernance et l’éducation.

Lors de sa visite en octobre dernier, l’administratrice de l’USAID, Samantha Power, avait annoncé un financement de 17 millions de dollars pour l’amélioration des services de santé et de 29 millions pour le programme Food for Progress, visant à renforcer l’agriculture et les systèmes alimentaires. En outre, plus de 6 millions de dollars avaient été alloués à la société civile, aux médias et aux initiatives liées au travail, tandis que le département du Travail américain avait attribué 3 millions de dollars pour l’intégration des personnes en situation de handicap.

Des ONG et des projets communautaires en difficulté

La suspension de l’aide américaine compromet l’avenir de nombreux projets au Cambodge. Si les organisations de la société civile rapportent déjà des perturbations, les agences gouvernementales n’ont pas encore précisé l’étendue des conséquences.

Ny Sokha, président de l’ONG de défense des droits humains Adhoc, a souligné l’impact négatif de cette décision sur leur travail en faveur des droits humains et de la démocratie. « Le Cambodge est un pays pauvre qui a besoin d’une assistance étrangère pour se développer, notamment pour former ses ressources humaines », a-t-il déclaré. Il a également averti que la suspension prolongée de l’aide pourrait nuire à la popularité de Trump à l’international.

Les médias indépendants sont également touchés. Chhan Sokunthea, directrice exécutive du Cambodian Center for Independent Media (CCIM), a indiqué que deux projets soutenus par l’USAID, axés sur le journalisme citoyen et le renforcement des médias, avaient été suspendus.

Meng Lihor, une jeune leader impliquée dans le projet Connect Phum 5 sous l’égide de Future Forum, a confirmé que son initiative communautaire le long du canal de Stung Meanchey avait été arrêtée le 25 janvier. « Nous ne pensions pas que cette suspension affecterait les petits projets, mais après l’annonce, nous avons été très déçus car ce projet bénéficiait directement à la communauté », a-t-elle confié.

Heng Kimhong, président du Cambodian Youth Network (CYN), s’est dit préoccupé par les répercussions à long terme. Son organisation, qui œuvre pour la protection de l’environnement et la promotion des droits humains, pourrait être lourdement impactée. « Le retrait de Trump de l’accord de Paris sur le climat nous a déjà affaiblis, et cette suspension d’aide fragilise encore plus nos actions », a-t-il déclaré.

Un avenir incertain pour les financements américains

L’ambassade des États-Unis à Phnom Penh a refusé de commenter la situation, renvoyant les questions au Département d’État. Ce dernier ainsi que l’USAID Cambodge n’ont pas donné suite aux demandes d’éclaircissement.

Le centre de réflexion américain Stimson Center, dont plusieurs projets sont axés sur le bassin du Mékong, a également été contraint d’arrêter certaines initiatives. Cependant, l’organisation cherche activement des financements alternatifs pour poursuivre son travail dans la région.

Du côté des autorités cambodgiennes, l’incertitude demeure. Khim Finan, porte-parole du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, a admis ne pas savoir comment cette suspension affectera les projets en cours. Khoun Vicheka, porte-parole du ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports (MoEYS), a indiqué ne pas avoir reçu d’informations officielles.

Toutefois, certains programmes semblent épargnés pour l’instant. Ly Sovann, directeur du Département de contrôle des maladies transmissibles du ministère de la Santé, a affirmé que le financement de l’USAID pour les initiatives sanitaires se poursuivait normalement. « Le processus continue comme d’habitude », a-t-il assuré.

USAID s’est associée au ministère de l’éducation et de la jeunesse pour améliorer le secteur de l’éducation au Cambodge. Le projet d’enseignement primaire intégré (IPEA), d’une valeur de 25 millions de dollars, se concentre sur le renforcement des compétences en lecture et en calcul des élèves de l’école primaire, en soutenant le programme Komar Rien Komar Cheh (les enfants apprennent, les enfants savent) afin d’améliorer l’alphabétisation de base des enfants dans tout le pays.

 

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Pring Samnang

L’USAID avait également lancé en 2023 l’initiative Enhancing Quality of Healthcare Activity II (EQHA II), dotée d’un budget de 35 millions de dollars sur cinq ans. Ce projet, mis en œuvre par FHI 360 en coordination avec le ministère de la Santé, vise à améliorer la qualité des soins de santé au Cambodge.

Face à cette suspension, les acteurs de la société civile espèrent que des solutions alternatives seront trouvées. « Nous espérons que les États-Unis et d’autres donateurs continueront à soutenir la coopération internationale pour garantir la promotion de la démocratie, de la justice sociale et des droits humains », a déclaré Heng Kimhong.

L’avenir des programmes de développement au Cambodge dépendra donc de la durée de cette suspension et des éventuelles mesures correctives qui pourraient être mises en place.

Seoung Nimol, Tang Porgech

Avec l’aimable autorisation de CamboJA News, qui a permis la traduction de cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

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