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Le droit international dans le conflit à Gaza/Israël : relever les défis

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La situation qui se déroule dans les territoires palestiniens occupés (TPO) et en Israël souligne l’importance du droit international et les terribles conséquences de son non-respect.

Les références fréquentes au « droit international » par les politiciens, les médias, les organisations internationales et les ONG, entre autres, témoignent de son importance perçue. Dans le même temps, les terribles événements du mois dernier ont amené de nombreuses personnes à s’interroger sur la pertinence et l’efficacité du droit international, ainsi que sur la sélectivité de son application – à l’égard de laquelle normes sont cités, qui acteurs sont tenus responsables, et qui victimes sont protégés.

Domaines du droit international

De nombreux domaines du droit international sont impliqués dans le conflit actuel. Certaines ont été mises au premier plan dans le discours politique, comme l’affirmation du droit d’Israël à l’autodéfense, bien que sans donner suite de manière cohérente aux exigences constantes de cette loi en ce qui concerne la nécessité et la proportionnalité de la force employée.

D’autres domaines ont été globalement négligés. Il s’agit notamment du droit international des droits de l’homme, qui continue de s’appliquer dans les situations de conflit armé et sera de plus en plus important à l’avenir, et du droit des réfugiés, qui revêt une importance évidente pour une population de Gaza composée à 70 % de réfugiés avant cette série d’hostilités, comme l’indique l’ONU. a déplacé près de 1,5 million de personnes.

Le domaine du droit international le plus cité et sans doute le plus important – tant pour les hostilités à Gaza aujourd’hui que pour les actions du Hamas le 7 octobre – est peut-être le droit international humanitaire (DIH), qui réglemente spécifiquement les conflits armés et l’occupation.

Rôle du droit international humanitaire

Le DIH apporte un cadre qui s’applique incontestablement aux deux parties au conflit et comporte des obligations pour les autres États. Les principaux traités de DIH sont particulièrement universels par nature et ratifiés par tous les États du monde. L’étude du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur le droit coutumier fournit un guide riche et accessible sur le DIH coutumier contraignant, clarifiant l’écart qui se réduit entre le DIH applicable dans les conflits armés internationaux et non internationaux. Les violations graves engagent également la responsabilité pénale individuelle en vertu du droit pénal international (DCI).

Le DIH contient des principes et des dispositions clairs permettant d’évaluer le déroulement des événements. Il s’agit notamment des principes fondamentaux de distinction, de précaution, de proportionnalité et d’humanité, ainsi que des interdictions correspondantes de cibler des civils et des biens de caractère civil, des attaques aveugles ou des attaques susceptibles de causer des dommages disproportionnés aux civils (par rapport à l’avantage militaire attendu de l’attaque particulière). Le DIH comprend l’obligation d’autoriser les couloirs humanitaires, de protéger les acteurs humanitaires et l’interdiction de la famine comme méthode de guerre et de punition collective. Les garanties – souvent négligées – incluent la règle selon laquelle, en cas de doute quant au statut d’une cible, celle-ci doit être présumée civile.

L’un des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que juristes internationaux est de veiller à ce que le DIH soit appliqué avec précision, cohérence et de manière à lui donner un effet significatif. Même si les nombreuses questions qui se posent en matière de DIH ne peuvent être abordées dans un court article de blog, quelques points sur le rôle du DIH (et la confusion dans son application) méritent d’être soulignés.

Un point crucial et primordial qui doit être souligné à la lumière du discours politique et de la polarisation populaire autour de ce conflit est que le cadre du DIH, dont un élément clé est axé sur la protection des civils, n’est pas réciproque. Comme Human Rights Watch l’a souligné de manière poignante, la protection des civils n’est pas (seulement) un accord avec d’autres États ou parties, c’est un accord avec l’humanité.

Les violations de cet accord par Israël et le Hamas n’ont pas commencé le 7 octobre. Au cours des 56 années d’occupation des TPO, une pléthore de décisions et de rapports faisant autorité font état de violations du DIH par Israël, notamment l’expansion et le déplacement illégaux de Palestiniens, le blocus de Gaza et le recours excessif à la force, entre autres. Nous devons le reconnaître et faire face à l’échec flagrant de la communauté internationale à assurer le suivi et à garantir les responsabilités, ainsi qu’à ses implications dans l’escalade actuelle de la violence.

Ces violations n’affectent pas la qualification juridique des atrocités du 7 octobre, lorsque 1 400 citoyens israéliens et étrangers (pour la plupart des civils) ont été brutalement attaqués et pris en otages, tout comme cela ne justifiait pas les précédentes attaques aveugles à la roquette contre Israël depuis la bande de Gaza. Même s’il est possible de débattre d’un point de vue juridique sur certaines questions, comme la limite entre la détention des forces adverses et la prise d’otages, il ne fait guère de doute que les attentats du 7 octobre impliquent de graves violations du DIH et des crimes de guerre (et des crimes contre l’humanité). Il faut mettre un terme à ces violations (libération des otages), soigner les personnes concernées et garantir les responsabilités, conformément au cadre juridique.

Les crimes du Hamas, quant à eux, ne changent pas la qualification de la force déchaînée sur Gaza au regard du DIH. En moins d’un mois, plus de 10 000 personnes ont été tuées, dont plus de 4 000 enfants. Les hôpitaux, les camps de réfugiés et les grands quartiers résidentiels, qui constituent des biens civils par excellence, ont été rasés. Les ordres d’évacuation et l’imposition d’un « siège total » ont déplacé la majorité de la population de Gaza et empêché l’accès aux produits de première nécessité. Les déclarations des responsables israéliens sur la destruction de Gaza, considérées parallèlement à la dévastation sur le terrain, constituent la preuve de l’incapacité des forces de défense israéliennes à distinguer les civils des cibles légitimes et de la perpétration de violations du DIH et de crimes de guerre (entre autres allégations de crimes contre l’humanité et même génocide).

  • Affaires relatives au DIH dans la conduite des hostilités

Parmi les sujets de préoccupation récurrents du DIH figurent les questions insidieuses soulevées quant au statut des civils palestiniens à Gaza et au rôle des « avertissements » ou des ordres d’évacuation. En droit international humanitaire, les avertissements jouent un rôle important, à condition qu’ils soient efficaces. Mais comme indiqué ailleurs, les civils palestiniens qui ne peuvent pas partir ou ne partent pas restent des civils. Utiliser des civils comme boucliers humains ou placer des objectifs militaires à proximité de biens civils – comme le prétend souvent Israël – équivaudrait à de nouvelles violations du DIH par le Hamas. Elle ne dispense pas Israël de l’obligation de ne pas mener d’attaques causant des dommages disproportionnés aux civils ou aux biens de caractère civil, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour minimiser ces dommages. Il est important de noter que lorsqu’il attaque une cible civile prima facie, il incombe au minimum à Israël de justifier ces décisions, dont il ne s’est pas acquitté, et en cas de doute, le statut de civil doit être présumé.

Il ne fait aucun doute que l’application de ce cadre du DIH dans les affaires de conduite des hostilités est un défi. Les décisions de ciblage, basées sur les informations dont dispose le commandant à ce moment-là, ne sont pas de simples analyses numériques des cibles militaires poursuivies par rapport aux pertes civiles anticipées, et sont difficiles à évaluer de loin. Les juristes internationaux se sentent souvent, à juste titre, prudents. Aucun de nous n’a accès à tous les faits. Nous n’aimons pas les procès menés par les médias mais par les tribunaux, après une enquête approfondie qui est après tout exigée par le droit international.

  • Donner effet au DIH en temps réel

Toutefois, le DIH n’est pas un cadre destiné à être appliqué de manière rétrospective. Une attitude attentiste, alors que le nombre de victimes augmente, ne semble guère compatible avec le rôle protecteur du DIH et la nécessité d’influencer les comportements en temps réel. Il n’est pas non plus impossible de procéder à des évaluations significatives du DIH, compte tenu de la documentation provenant de la presse et des travailleurs humanitaires, souvent rassemblés sur le terrain au prix de grands risques personnels, et des déclarations officielles accessibles au public.

Cela a des implications pour tous les États. Un dernier aspect crucial (mais relativement négligé) du DIH qui mérite d’être souligné est l’obligation pour tous les États parties aux Conventions de Genève de prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre du DIH (article 1 des CG). Cela implique un effort concerté pour garantir que les parties respectent la loi, en exerçant une influence et en subordonnant la coopération et le soutien au respect de la loi. De vagues rappels ne suffisent pas. En outre, les États qui fournissent un soutien concret et direct malgré des preuves de violations peuvent être tenus responsables de complicité et d’assistance aux torts (Article 16 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite), ce qui pourrait potentiellement impliquer diverses formes de complicité en vertu de la CDI.

En conclusion, le droit international n’est pas un outil politique, mais un cadre juridique contraignant qui doit être appliqué rapidement et efficacement à tous les responsables. Il ne fait aucun doute que certains faits ne seront révélés qu’après des enquêtes approfondies, qui devraient avoir lieu le plus tôt possible si l’on veut préserver les preuves, et après que les responsabilités auront été signalées à ceux qui sont sur le terrain et en position de pouvoir. La perspective de justice est cruciale, mais insuffisante. Nous devons exploiter l’abondance d’informations disponibles aujourd’hui qui fournissent de nombreux indicateurs de violations, qui doivent cesser. Les allégations selon lesquelles le droit international n’est qu’un autre outil de domination occidentale se multiplient et menacent le pouvoir du droit international de faire également la différence dans d’autres situations. À mesure que le scepticisme grandit, il devient d’autant plus impératif d’insister sur le fait que la loi peut protéger et protège effectivement les plus vulnérables et oblige même les plus puissants à rendre des comptes. Tous les États et organisations internationales doivent prendre le DIH au sérieux, en veillant à ce que toutes les parties respectent le DIH et sachent qu’elles seront tenues pour responsables si elles ne le font pas.

En tant qu’universitaires, nous devons également remplir notre rôle, en étant rigoureux mais sans avoir peur d’utiliser le pouvoir du droit pour discuter et aborder des réalités difficiles, en répondant aux besoins et aux demandes de tous nos étudiants. Nous pouvons ainsi espérer les soutenir pour nous diriger vers un avenir dans lequel le droit international sera mieux à même de remplir son mandat protecteur.

Ceci est un blog personnel. L’auteur est responsable du contenu du blog. Lisez cette déclaration de l’Université de Leiden sur l’échange de connaissances dans un espace sûr.