Une culture en plein essor aux conséquences environnementales préoccupantes
Dans la province du Stung Treng, au nord-est du Cambodge, l’agriculture reste une source essentielle de subsistance. Mais l’expansion des terres agricoles, notamment pour la culture du cajou, est aujourd’hui l’un des principaux facteurs de déforestation et de dégradation environnementale. Cette progression empiète sur les forêts, compromet la biodiversité, appauvrit les sols et menace la durabilité de l’agriculture dans la région.
L’augmentation de la demande mondiale de noix de cajou pousse les agriculteurs à étendre leurs surfaces de culture, souvent en défrichant des zones sensibles. « Sans information ni incitation suffisante, les producteurs ignorent souvent les risques à long terme, tant environnementaux qu’économiques », soulignent les experts. Parallèlement, le changement climatique aggrave la situation : températures en hausse, pluies imprévisibles, sécheresses prolongées et allongement de la saison fraîche nuisent aux rendements, retardent les récoltes et affectent la qualité des noix. En 2022, la production nationale a chuté de 20 % selon Sophal Laikong, directeur exécutif par intérim de la Cambodia Cashew Federation (CCF).
La réponse des agriculteurs est souvent de compenser les pertes par une exploitation accrue des forêts et un usage intensif d’agrochimiques, ce qui accentue la spirale de la dégradation.
Vers une filière durable : recommandations issues du terrain
Pour répondre à ces défis, le programme SCALA (FAO-PNUD) a engagé une étude participative de la filière cajou à Stung Treng, en partenariat avec l’Université royale d’agriculture (RUA). Un atelier consultatif a réuni, les 19 et 20 mars 2025, plus de 60 acteurs de la filière : agriculteurs, transformateurs, institutions financières, représentants du gouvernement et du secteur privé.
Quatre participants, issus de maillons clés de la chaîne de valeur, ont partagé leurs expériences et pistes d’action : Sophal Laikong (CCF), Ky Kosal (président d’une coopérative agricole de Seambok), Yos Sothida (fournisseuse d’intrants agricoles) et Piech Bora (Banque pour le développement agricole et rural – ARDB).

Trois recommandations majeures se dégagent de ces échanges :
1. Promouvoir l’agriculture régénérative et les pratiques climato-intelligentes
La culture du cajou souffre déjà des effets du climat. Pour s’adapter, les intervenants recommandent des pratiques simples mais efficaces, telles que la culture de plantes de couverture pour protéger les sols et améliorer leur fertilité.
« J’ai compris l’intérêt de cultiver des plantes de couverture : cela ne fait pas qu’augmenter la productivité, cela protège aussi le sol sur le long terme », témoigne Ky Kosal.
L’agriculture régénérative, incluant l’agroforesterie, l’interculture ou encore l’apiculture, permettrait de diversifier les revenus tout en renforçant les écosystèmes. Mais pour être adoptée à large échelle, elle nécessite des formations ciblées, des parcelles de démonstration, et un appui coordonné entre acteurs publics et privés.
« L’une des idées fortes de l’atelier est celle de produits sans déforestation : une agriculture productive, sans extension sur les forêts. C’est l’objectif de la CCF et cela correspond aux tendances mondiales », affirme Sophal Laikong.
2. Diffuser une information fiable via les outils numériques
La désinformation et le manque d’accès aux bonnes pratiques freinent les progrès. Les agriculteurs sont parfois victimes d’escroqueries en ligne, achetant des engrais contrefaits qui nuisent à leurs cultures.
« Certains se font avoir avec des fertilisants achetés sur Internet. On a besoin d’un meilleur accès à des sources fiables », alerte Yos Sothida.
Elle appelle à une mobilisation des institutions de confiance – autorités locales, universités, ONG – pour créer et partager des contenus validés via les réseaux sociaux et messageries. Ces outils peuvent permettre une large diffusion des bonnes pratiques agricoles.
3. Investir dans la transformation et la traçabilité grâce à des financements verts
Le secteur souffre d’un manque criant d’unités de transformation. La majorité des noix sont exportées à l’état brut, ce qui limite les profits locaux et les emplois. Des investissements privés dans les infrastructures de transformation et la traçabilité sont donc nécessaires, notamment via des partenariats avec des acteurs internationaux comme le Vietnam.
« Il y a une vraie opportunité pour le secteur privé dans la transformation du cajou. La coopération avec des transformateurs étrangers pourrait combler nos lacunes », explique M. Laikong.
Les institutions financières, à l’instar de l’ARDB, ont un rôle clé à jouer. Elles conditionnent déjà certains prêts verts au respect de critères environnementaux.
« Nous finançons les agriculteurs qui protègent l’environnement et ne participent pas à la déforestation. C’est ainsi que nous soutenons une croissance durable du secteur », précise Piech Bora, responsable au sein de l’ARDB.
Une dynamique collective indispensable
La construction d’une filière cajou durable et sans déforestation au Cambodge exige un engagement collectif. Comme le souligne M. Laikong :
« Le secteur privé ne peut pas y arriver seul. Nous avons besoin d’un soutien fort des pouvoirs publics, notamment des autorités locales, pour agir aux côtés des agriculteurs ».
L’étude participative conduite dans le cadre du programme SCALA jette les bases d’une planification inclusive et fondée sur des données concrètes. En intégrant la durabilité à chaque étape de la chaîne – intrants, culture, financement, transformation – le Cambodge peut devenir un acteur de référence d’une production de cajou résiliente et respectueuse des forêts.
Source : UNDP / Toward Deforestation Free Agriculture: Recommendations for a sustainable cashew value chain in Stung Treng Province, Cambodia
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