Le Cambodge se rêve en pays riche, avec un lourd prix à payer pour les plus pauvres

LETTRE DE PHNOM PENH

Koh Pich, également connue sous le nom de Diamond Island, est située au croisement des fleuves Mékong et Bassac. A Phnom Penh, le 14 octobre 2024. Koh Pich, également connue sous le nom de Diamond Island, est située au croisement des fleuves Mékong et Bassac. A Phnom Penh, le 14 octobre 2024.

Les ministères rutilants, les nouveaux gratte-ciel et les lotissements pour riches qui poussent à Koh Pich, l’île du Diamant, le long du fleuve Mékong, ont métamorphosé Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Un immense aéroport dessiné par l’agence d’architecture du Britannique Norman Foster est en chantier au sud de la ville. Propulsé par les grands projets d’infrastructure chinois, les exportations de textile, le retour des touristes après la pandémie de Covid-19 et l’argent pas toujours propre des casinos, ce pays de près de 17 millions d’habitants, bientôt un demi-siècle après la tragédie des Khmers rouges (1975-1979), se voit en petit « tigre » asiatique.

Son nouveau gouvernement, plus éclairé sur les questions technologiques et rajeuni – Hun Manet, 47 ans, a remplacé son père, Hun Sen, trente-huit années au pouvoir, comme premier ministre en septembre 2023 – envoie ses ministres dans les grandes capitales occidentales vendre Phnom Penh aux investisseurs étrangers. Grâce à 6 % de croissance par an, le Cambodge devrait sortir du statut des pays les moins avancés en 2029. Le taux de pauvreté tel qu’il est défini par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), à moins de 2,15 dollars (2,04 euros) par jour, doit passer de 16,6 % de la population aujourd’hui à moins de 10 % d’ici là. Pour 2050, « Hun junior », soutenu par une clique d’oligarques à la solde de la famille Hun, veut faire du Cambodge un pays à « haut niveau de revenu ».

L’ambition est belle, mais la barre est haute. Quelque 20 % supplémentaires de la population sont en réalité classés comme « vulnérables au risque de basculer dans la pauvreté ». Dans la périphérie de Phnom Penh, les quartiers ouvriers sont en perpétuelle reconfiguration. Dans le textile, les ouvrières sont en majorité des femmes. Leurs époux sont conducteurs, maçons, gardiens. Le Français Yann Defond, 45 ans, auteur d’Une vie avec les ouvriers du Cambodge (Les impliqués, 2022), côtoie ce prolétariat : il vit en immersion dans les quartiers ouvriers depuis quinze ans. Il a d’abord emménagé, en 2009, dans la « cité ouvrière des toits bleus », alors la plus grande cité ouvrière du pays : 4 000 habitants au sein d’un parc industriel. Un beau jour, en 2023, il est mis à la porte : sa rue est transformée pour accueillir des commerces. C’est l’urbanisation par le bas, anarchique. Quand il est arrivé, les rizières étaient à 300 mètres de chez lui. Elles sont aujourd’hui à 3 kilomètres.

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