La crèche de Trapeang Kong, dans la province de Kampong Speu, au sud-ouest du Cambodge, a tous les attributs d’une structure moderne : vaste salle de jeu équipée de jouets et livres en tous genres, poignées de porte et prises électriques placées en hauteur pour des raisons de sécurité, et cour extérieure équipée de toboggans et balançoires. Dans la salle de sieste, les matelas d’enfants sont recouverts de moustiquaires pour protéger les petites têtes brunes des insectes indésirables.

Mais au Cambodge, le simple fait qu’un tel lieu existe est une révolution. Alors que la petite enfance y est encore largement prise en charge par les réseaux familiaux, le pays a ouvert sa première crèche publique en mai 2022, avec le soutien de l’ONG française  Planète Enfants & Développement . Il en compte 13 aujourd’hui.  J’ai de la chance d’habiter à côté et d’avoir pu y placer ma fille, r econnaît Chaya, mère d’Amara, âgée de 2 ans et demi. Ma sœur habite dans une autre province et est jalouse de ma situation. »

Chaya, mère d’Amara (2 ans), dans la crèche de Trapeang Kong. Ouest-France

 Tablettes interdites

Les crèches ont été placées à proximité des zones de concentration des usines textiles, où travaillent quelque 700 000 femmes. Pour beaucoup d’entre elles, devenir mère signifie faire une pause dans leur vie professionnelle. Et une fois le chemin de l’usine retrouvé, les enfants sont souvent pris en charge par les grands-parents.  Mes parents habitent à plus de 100 kilomètres. Sans cette crèche, je ne verrais ma fille que quelques jours par mois , explique la maman, dont le ventre rond indique qu’Amara va bientôt être grande sœur.

La majorité des 2,7 millions de dollars nécessaires au projet sont venus de l’aide japonaise pour le développement. Mais l’ONG a apporté son expertise en matière de petite enfance.  Nous avons mis sur pied une formation pour professionnaliser les auxiliaires de crèches, élaborer des menus avec des nutritionnistes, et optimiser l’architecture du bâtiment pour le rendre les moins coûteux possible , explique Stéphanie Selle, directrice pays de l’ONG. Les smartphones et tablettes, très utilisés au Cambodge pour occuper les enfants, sont également interdits.

Le prix, $45 par mois et par enfant, comprend une prise en charge 6 jours sur 7 (pour coller aux jours d’ouverture des usines), trois repas par jour et un suivi médical mensuel. Ouest-France

« Vocation à montrer l’exemple »

 Ma fille est beaucoup plus alerte que son grand frère qui a grandi avec ses grands-parents, s’enthousiasme Ramon, en venant chercher sa fille de 3 ans. Elle est aussi beaucoup plus sociale car elle a appris à interagir avec d’autres enfants plus tôt. C’est nouveau pour nous. Au Cambodge, les parents ne sont pas sensibilisés à ces questions. 

Le prix, $45 par mois et par enfant, comprend une prise en charge 6 jours sur 7 (pour coller aux jours d’ouverture des usines), trois repas par jour et un suivi médical mensuel.  C’est tout à fait correct , juge Ramon, qui donnait $50 par mois à ses parents pour s’occuper de son premier fils.

L’ONG estime que le maintien du deuxième salaire permis par l’inscription en crèche fait gagner $30 par mois au foyer, soit près de 15 % du salaire minimum. D’ici mi-2025, la gestion des crèches sera transférée aux communes.  Nous avons seulement vocation à montrer l’exemple , explique Stéphanie Selle. Pari réussi : une entreprise agroalimentaire a récemment visité la crèche de Trapeang Kong pour offrir le même service à ses employés.