L’architecte cambodgien Lu Ban Hap s’est éteint

Selon Virak Varany, l’un des cofondateurs du Khmer Journey Group – un collectif qui documente le patrimoine de l’âge d’or du Cambodge – et qui s’est entretenu avec la nièce de l’architecte, Meas Monda, les funérailles auront lieu en France le 26 juin, selon les traditions khmères.

Lu Ban Hap était un architecte cambodgien renommé de la fin des années 1950 et des années 1960, dans un mouvement qui a été qualifié plus tard de Nouvelle architecture khmère, et qui allait de pair avec le régime Sangkum Reastr Niyum du roi Norodom Sihanouk.

Le mouvement architectural du Sangkum alliant modernité et tradition 

Le mouvement architectural consistait à combiner des éléments du mouvement moderne avec des caractéristiques de la tradition khmère vernaculaire des bâtiments domestiques, tels que des pilotis pour se protéger des inondations, ou des toits en forme de V pour éviter la lumière directe du soleil. Les conceptions permettant une ventilation naturelle ont été privilégiées pour tenir compte du climat tropical.

Si Vann Molyvann est devenu la figure de proue de cette ère architecturale, Lu Ban Hap a contribué à de nombreux projets qui ont profondément remodelé la capitale et d’autres villes cambodgiennes.

Les oeuvres de Lu Ban Hap

À Phnom Penh, Ban Hap est à l’origine de la conception de l’hôtel Cambodiana au bord de la rivière, du pavillon Kantha Bopha dans l’enceinte du palais royal, du centre culturel de Phnom Penh (également connu sous le nom de théâtre Chenla), du lycée Toul Svay Prey (transformé en centre de détention S-21 sous le régime des Khmers rouges, puis en musée du génocide Tuol Sleng) et du parc du monument de l’Indépendance.

En 1963, avec l’ingénieur d’origine ukrainienne Vladimir Bodiansky, il a conçu l’emblématique White Building ( le bâtiment blanc ), destiné à loger des locataires à revenus modérés, à l’époque florissante du post-colonialisme. Bien qu’il est été l’un des bâtiments les plus connus de Phnom Penh, l’héritage de Lu Ban Hap a été démoli en 2017 après que la ville a déclaré qu’il était trop détérioré pour être rénové. Le site est désormais utilisé par la société NagaCorp pour construire le Naga 3, un complexe casino-restaurant-hôtel de 75 étages.

 

white building
Photo © Laure Delacloche

Lu Ban Hap, l’un des plus grands architectes cambodgiens, a laissé son empreinte non seulement à Phnom Penh, mais aussi dans de nombreuses provinces du pays. Il a conçu le Kandal Provincial Hall, le Battambang Sports Center, la résidence royale sur la montagne Kirirom et le bâtiment de l’université royale de Kampong Cham, la province où il est né en 1931.

Convaincu par Vann Molyvann de s’engager dans l’architecture

A14 ans, Lu Ban Hap s’est rendu à Phnom Penh pour y suivre des études secondaires. Il décrira plus tard cette période de sa vie comme « difficile », vivant dans une pagode, « sans argent » et « loin de sa famille ».

En 1949, Ban Hap fit partie de la vague d’étudiants cambodgiens envoyés à Paris pour y suivre des études supérieures grâce à une bourse universitaire. Alors qu’il se destinait d’abord à une carrière d’ingénieur, il suivi les conseils de son camarade Vann Molyvann, arrivé dans la capitale française trois ans plus tôt, pour étudier l’architecture.

« A l’époque, il n’y avait pas d’architectes qualifiés au Cambodge. Molyvann m’a dit que c’était peut-être notre chance et m’a convaincu », aurait-il déclaré au Phnom Penh Post en 2015.

Une fois diplômé, le jeune architecte est retourné au Cambodge en 1960, où il a été chargé de mettre en place le département du logement et de l’urbanisme de la municipalité de Phnom Penh. Tep Phan, le gouverneur de la ville à l’époque, soutient pleinement sa vision et ses idées modernes.

Avec 12 autres employés, Lu Ban Hap a travaillé sur l’urbanisation, la conception de parcs publics, la gestion des déchets, l’éclairage public, l’approvisionnement en énergie et l’approbation de la construction. Sous sa direction, la capitale – le cœur du pays – a été dotée d’un nouveau visage, selon le Khmer Journey Group. Une partie de son héritage définit encore la forme de Phnom Penh.

Si beaucoup pensent que Lu Ban Hap et Vann Molyvann étaient parents, uniquement parce qu’ils faisaient partie du même renouveau architectural, les deux hommes n’avaient aucun lien de sang.

Le mouvement de la Nouvelle architecture khmère a pris fin brutalement lorsque Lon Nol a pris le pouvoir en 1970. Avec la fin du régime Sangkum Reastr Niyum de Sihanouk, l’architecture et les arts n’étaient plus une priorité.

Malgré les troubles croissants de la guerre civile, et contrairement à de nombreux Cambodgiens formés à l’étranger, Lu Ban Hap a décidé de rester à Phnom Penh par honneur pour son pays. Sa femme Armelle et ses enfants sont partis pour la  France.

En 1975, lorsque les Khmers rouges entrent dans la capitale, il est contraint d’évacuer la ville, comme des millions de Cambodgiens. Après trois mois dans un camp de travail, Lu Ban Hap fuit le pays à pied par la frontière sud avec le Vietnam. Il a ensuite rejoint sa femme et ses enfants en France, où ils ont refait leur vie.

 

Le secrétaire d’État au ministère de l’Aménagement du territoire, Ly Rasmey, a exprimé ses regrets en apprenant la nouvelle du décès :

C’est une grande perte pour la nation. Il a laissé un grand héritage d’œuvres architecturales à la génération suivante.

Il a ajouté : « Je pense que les architectes cambodgiens en apprendront davantage sur ses œuvres après sa triste disparition. »

 

 

Avec l’aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

{link} Ce post a été trouvé sur internet par notre rédaction voici la source Source