L’archéologie, une passion française

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LE CHANT DES PIERRES – Saqqarah en Égypte, Angkor Vat au Cambodge, Pétra en Jordanie : des trésors d’éternité exhumés des sables ou des touffeurs de la jungle grâce aux scientifiques et découvreurs français. Une longue tradition hexagonale qui explique l’engouement de nos concitoyens pour ces civilisations du passé.

Ce 14 septembre 1822, Jean-François Champollion se précipite dans le bureau de son frère. « Je tiens l’affaire ! », s’écrie-t-il avant de s’effondrer, épuisé. Des mois durant, il s’est échiné, sur une copie de la pierre de Rosette, cette stèle portant deux mêmes textes en égyptien et grec anciens, retranscrits en trois écritures, et découverte lors de la campagne militaire de Bonaparte, qui entreprit le premier de fouiller les sables du désert à la recherche d’une civilisation oubliée. Notre homme vient enfin d’identifier dans l’une et l’autre langue le nom royal de Ptolémée, de percer le mystère de l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques.

Cette découverte monumentale fait entrer le jeune Figeacois dans l’histoire. Mais, surtout, elle redonne la parole à trois mille ans de civilisation égyptienne que l’interdiction des cultes païens par l’empereur romain Théodose avait rendue muette. Désormais, les pyramides, les tombeaux et les temples pourront raconter le quotidien et les croyances de leurs bâtisseurs, la fabuleuse épopée des pharaons, les intrigues qui se nouaient sur les rives du Nil. Cette histoire, ressuscitée depuis plus de deux cents ans, les chercheurs et les Français ne l’ont plus jamais lâchée. Une passion hexagonale portée par des générations d’archéologues qui vont s’employer à transmettre leur amour des pierres enfouies, des langages disparus, des rituels anéantis. Transfigurés par cette ivresse de l’Orient, ils se nomment Gaston Maspero, fondateur de l’illustre Institut français d’archéologie orientale (IFAO), ouvert au Caire en 1880, mais aussi Auguste Mariette, découvreur du temple d’Edfou, ou Christiane Desroches Noblecourt, qui sauva des eaux les colosses d’Abou Simbel.

Comprendre les sociétés anciennes

Si l’influence d’une nation se mesurait à la présence de ses archéologues sur la planète, celle de la France serait immense. truba71 / stock.adobe.com

Fascinante Égypte antique ! On l’étudie dans toutes les écoles de France ; on l’idéalise en littérature, à l’instar du ténébreux Roman de la momie de Théophile Gautier, ou par les romans à succès de Christian Jacq ; on se presse voir les expositions consacrées aux pharaons mythiques – Toutankhamon et son temps, en 1967, au Petit Palais, est restée pendant plus de cinquante ans l’exposition la plus fréquentée avec 1,24 million de visiteurs et n’a été battue en 2019 que par… Toutankhamon, à la Grande Halle de La Villette ! – et pas un enfant ne s’est pas un jour pris au jeu de vouloir s’inscrire dans les pas d’Howard Carter, pénétrant dans un tombeau intact et recouvert d’or.

Reste que cette passion n’est pas limitée aux seuls mirages de l’Orient. L’archéologie, cette porte d’entrée vers l’histoire ancienne, sonne de façon bien particulière pour « ce peuple de bâtisseurs » que nous sommes. Emmanuel Macron avait bien résumé l’appétence des Français pour son passé et les cultures d’antan en employant cette formule après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame et l’émotion nationale qu’elle provoqua. C’est notre civilisation qui venait de disparaître dans les flammes, et nous avons une sainte horreur des cultures qui s’effacent ! Partir à la quête d’un trésor, c’est redonner vie à notre mémoire.

Si l’influence d’une nation se mesurait à la présence de ses archéologues sur la planète, celle de la France serait immense : plus de 150 missions, à travers 60 pays, regroupant plusieurs milliers de chercheurs, sur cinq continents. Aujourd’hui, nos Indiana Jones ne se contentent plus de fouiller pour mettre à jour des vestiges ou des sépultures, mais pour mieux comprendre les sociétés anciennes. Cap sur le Cambodge ! Avant l’aube, on peut observer le ballet des voyageurs qui quittent Siem Reap pour filer vers la forêt adjacente : l’air est déjà tiède, la brume se lève sur les marais, et le soleil éclaire peu à peu les tours majestueuses d’Angkor Vat. L’émotion nous étreint comme elle a dû saisir le naturaliste Henri Mouhot en 1861, face à cette cité millénaire enfouie sous la jungle, où plus de trois cents temples érigés entre le IXe et le XVe siècle retrouvent lentement leur éclat d’autrefois. Sur près de 400 km2, le site demeure un vaste chantier à ciel ouvert où les membres de l’École française d’Extrême-Orient s’affairent inlassablement – depuis 1898 – autour d’une sculpture d’apsara, ou d’un bloc de pierre menaçant de s’écrouler, enserré par les racines d’un fromager. En relevant des temples effondrés, en traduisant les inscriptions anciennes, les scientifiques français ont pu reconstituer le puzzle de l’histoire khmère. Tout comme ils s’emploient aujourd’hui, à Pétra en Jordanie, à AlUla en Arabie saoudite, de faire renaître des royaumes nabatéens abattus par les invasions romaines.

Il faut savoir fréquenter ces monuments, fragiles et délicats

Au Cambdoge, les tours majestueuses d’Angkor Vat. Travel Wild / stock.adobe.com

Sensibles aux exploits de nos aventuriers modernes, les voyageurs français ne s’y trompent pas. Ils veulent voir, toucher, sentir, arpenter ces trésors de l’humanité. Mais le tourisme et l’archéologie entretiennent parfois des relations complexes. Et il faut savoir fréquenter ces monuments, fragiles et délicats, sans risquer de les dégrader. Nous sommes 800 millions de touristes à parcourir le monde et cette surfréquentation des sites les plus remarquables de l’humanité affole les plus hautes instances. En Égypte, vient d’être prise la décision de reconstruire à l’identique les tombes de Toutankhamon et de Néfertiti. Tout comme nous l’avions fait, sur notre territoire, en modélisant des répliques des grottes préhistoriques de Lascaux ou Chauvet. Pour laisser respirer ces monuments d’éternité…

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