Une soirée cinéma sur les musiques d’Asie du sud-est à Limogne, voilà qui est singulier. C’est que l’auteur des films, désormais retraité, vit non loin de là. L’ethnomusicologue Jacques Brunet a consacré des décennies à ces musiques.
C’est une singulière aventure humaine que découvrira le public de Limogne, dans le Lot, le 25 juin. Dans les années 1990, un ethnomusicologue, des réalisateurs, un preneur de son, etc. ont sillonné Cambodge et Indonésie pour enregistrer et filmer les musiciens et danseurs traditionnels. Plusieurs d’entre eux seront à Limogne fin juin pour présenter le fruit de ce travail.
Un des membres de l’aventure vit dans le Lot
Certes, en trente ans, ces différents films documentaires ont été diffusés à la télé. Mais à l’automne dernier, ils ont été réunis en coffret, présenté à l’Inalco et au musée des arts premiers à Paris. Et si une soirée est organisée dans le Lot, c’est que l’ethnomusicologue y vit depuis quelques années.
À 89 ans, Jacques Brunet pourrait afficher un CV phénoménal s’il n’était de ces gens qui répugnent autant à parler d’eux qu’ils aiment écouter les autres. Ses proches avaient averti : il est très modeste. Il est pourtant docteur en ethnomusicologie, a travaillé pour l’Unesco, enseigné dans les universités de Vancouver et Paris VII, consacré vingt ans à étudier les musiques d’Asie du Sud-Est, dont il est un des spécialistes, et à enregistrer des dizaines de disques de ces arts dont certains primés par l’académie Charles-Cros. Il a aussi contribué à la programmation de spectacles du « Ramayana », en 1990, au festival d’Avignon. Mais parler de son parcours le chagrine ; celui que le preneur de son Michel Faure qualifie de « scientifique et artiste » préfère insister sur le travail d’équipe.

« Ils s’habillent pour le gamelan »
« Filmer, j’en avais une envie folle depuis très longtemps », se souvient Jacques Brunet. À Paris VII, il a rencontré Jean-Louis Berdot, réalisateur et professeur. « On s’est bien entendus, et on s’est dit tiens on peut faire des choses ensemble« . Ces choses, c’était filmer les formes artistiques de la légende du Ramayana, un opéra javanais exécuté à genoux, la renaissance du Ballet royal à Phnom-Penh ou encore la vie d’un village balinais avant une tournée européenne.
De 1990 à 1994, ils ont réalisé un film par an. « Un bonheur total ! », sourit Jacques Brunet qui se souvient d’une « ambiance parfaite » dans l’équipe, malgré la chaleur et l’humidité. « La science cinématographique, c’était Jean-Louis, la connaissance de la musique et de la culture, c’était moi », poursuit-il. Jean-Louis Berdot relate une anecdote en Indonésie : « Je voulais une scène de répétition et les musiciens arrivent tous bien habillés. Je les imaginais en jean, tee-shirt… Jacques m’a dit : ils ne s’habillent pas pour toi, ils ne s’habillent pas pour le film, ils s’habillent pour le gamelan (NDLR, l’ensemble de percussions) ». Car ces musiques ont une connotation sacrée. Le coffret s’intitule d’ailleurs « Les arts célestes ».
Six ans au Cambodge
Mais comment Jacques Brunet est-il devenu ce « défricheur » musical ? Retour en 1963. Le jeune licencié en ethnologie part en coopé au Cambodge. Là, cet ancien musicien découvre les musiques traditionnelles et s’y consacre corps et âme, allant jusqu’à partir en montagne à dos d’éléphants. Après six ans au Cambodge, il a travaillé à l’institut international d’études comparatives de la musique à Berlin, étudiant ainsi Thaïlande, Laos, Malaisie, Indonésie… « La musique cambodgienne m’avait plu. Mais la première fois que j’ai entendu de la musique javanaise, ça m’a pris aux tripes », sourit Jacques Brunet. « Je m’en souviens comme si c’était hier : Sihanouk avait invité le président d’Indonésie qui est venu avec sa troupe, des musiciens et des danseurs du conservatoire ».
À la retraite depuis plus de vingt ans, Jacques Brunet continue à cultiver ses liens avec l’Asie du Sud-Est. Il y est parti voilà deux ans, reçoit des amis et peut toujours plonger dans sa vaste discothèque. Ce, quand il n’est pas occupé par un dernier travail : un livre sur la culture des pêchers sur mur à Montreuil, une tradition.
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