Interview Retour d’Alain Rosette du Cambodge : « Il est important, aujourd’hui, de donner un peu de son temps

Les Rosette sont connus de génération en génération à Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Eugène, l’arrière-grand-père d’Alain, tenait déjà une échoppe d’optique en 1895, rue au Blé.

Après avoir suivi la voie familiale, Alain Rosette, 62 ans, s’est spécialisé dans l’audition.

Il est aussi membre de deux structures humanitaires en rapport avec son métier : Audition Solidarité depuis une vingtaine d’années, et Les Enfants Sourds du Cambodge (ESC) depuis peu. Il revient sur sa dernière mission dans ce pays, où il a passé quinze jours en janvier 2025.

Comment avez-vous connu l’association ESC ?

J’ai rencontré l’un de ses fondateurs, Jean-Paul Beraha, par hasard il y a environ trois ans dans un salon dédié à l’audioprothèse. Le contact humain est bien passé, nous avons la même sensibilité. En janvier 2023, j’ai effectué ma première mission au Cambodge avec son association, et de nouveau en janvier 2025 pendant 15 jours. Nous étions une dizaine de professionnels français à partir.

Qu’est-ce qui vous a plu dans sa démarche ?

Voir un enfant entendre pour la première fois, c’est magique ! Et c’est une richesse humaine qui est importante pour moi dans le cadre de mon travail. Ce qui me plaît, c’est qu’ESC creuse son sillon depuis plusieurs années aux mêmes endroits. Ce suivi sur le long terme de ces enfants cambodgiens m’a plu. Ils sont vus deux fois par an par l’association dans leurs écoles où, à la différence de la France où les enfants sourds et malentendants sont intégrés, ils sont entre eux. ESC travaille avec sérieux et rigueur et le suivi des enfants est étroit. Son objectif est aussi de former des Cambodgiens à l’audition pour les rendre les plus autonomes possibles.

ESC, une association qui œuvre auprès d’enfants au Cambodge

Fondée en 2001 par Geneviève et Jean-Paul Beraha et Ravy et Michel Bré, ESC est une association française d’aide aux enfants sourds et malentendants cambodgiens et de développement de l’audiologie locale. Elle apporte des appareillages de correction auditive aux enfants tout en les suivant au long cours, à raison de deux rencontres par an avec, notamment, des audioprothésistes, des ORL et des orthophonistes français. ESC œuvre avec l’ONG Krousar Thmey («Nouvelle famille »), qui a entrepris à partir de 1996 la création d’écoles dédiées aux enfants sourds et malentendants, et collabore étroitement avec des professionnels cambodgiens et les autorités locales. En ce mois de janvier 2025, l’association vient d’achever sa 43e mission sur place.

Vidéos : en ce moment sur Actu

« Voir un enfant entendre pour la première fois, c’est magique ! »

Quelles sont les actions que vous réalisez sur place ?

Il y a plusieurs postes dans les écoles : des tests d’audition, la confection de moules pour les prothèses, le réglage des appareillages, la formation de leurs instituteurs à leur prise en main… On reprend la fiche de suivi de tous les enfants et on les met à jour. Il y a également un gros travail d’orthophonie et d’implication par la suite pour stimuler les enfants et sensibiliser leur entourage. La prise en charge de l’audition a deux décennies de retard au Cambodge. Et malheureusement, pour les enfants de 5 ou 6 ans qui débutent leur scolarité, cela peu avoir des conséquences. On sait que plus tard, des portes se fermeront pour eux lors de leurs études, et qu’adultes, ils trouveront plutôt des emplois précaires.

Avec l'association Les Enfants Sourds du Cambodge (ESC), tout (re)commence par un contrôle ORL en janvier 2025.
Avec l’association Les Enfants Sourds du Cambodge (ESC), tout (re) commence par un contrôle ORL en janvier 2025. ©Les Enfants Sourds du Cambodge

Avez-vous constaté des progrès chez ces enfants entre 2023 et 2025 ?

Oui ! J’ai vu de gros progrès, notamment dans le port de l’appareillage, plus longtemps, et dans l’implication de leurs instituteurs. Les appareils que nous leur fournissons sont neufs, en fin de série que nous achetons en France. Ils ont une durée de vie de 4 à 6 ans, sans doute un peu moins au Cambodge à cause du soleil, de la chaleur, de la transpiration. Et on peut les faire évoluer dans le temps. L’objectif de l’audioprothèse n’est pas de redonner l’audition à 100 % mais au moins un environnement, une sensation sonore qui peut déjà être une alerte en cas de danger. Côté psychologique, pour eux, c’est également un signe de reconnaissance de leur handicap. Les enfants que j’ai vus vivaient l’instant présent. Ils me semblaient épanouis et moins complexés par leur handicap. Une chose est sûre : j’y retournerai. Et je reverse 5 euros à ESC sur chaque appareil que je vends.

hh
Alain Rosette, audioprothésiste à Cherbourg-en-Cotentin (Manche), raconte la deuxième mission humanitaire qu’il vient de réaliser au Cambodge, en janvier 2025. ©Les Enfants Sourds du Cambodge

Quel regard portez-vous sur l’audition ?

On dit parfois qu’il vaut mieux être aveugle que sourd et il y a peut-être du vrai. Entendre, c’est pouvoir apprendre et communiquer, 90 % des informations que nous recevons passent par l’oreille. Prenez une personne âgée qui entend mal : on a tendance, avec elle, à aller à l’essentiel, à réduire le temps de conversation et le vocabulaire… La perte d’audition est à l’origine de maladies dégénératives. La communication, c’est par l’oreille. Pour les enfants, plus tôt a lieu la prise en charge, meilleures sont les chances.

Et sur les actions humanitaires et associatives ?

C’est une expérience humaine. La vie est une histoire de rencontres. Je crois qu’il est important, aujourd’hui, de donner un peu de son temps pour les autres. Ça requinque et ça enrichit aussi.

Alain Rosette, audioprothésiste à Cherbourg-en-Cotentin (Manche), raconte la deuxième mission humanitaire qu'il vient de réaliser au Cambodge, en janvier 2025.
Alain Rosette, audioprothésiste à Cherbourg-en-Cotentin (Manche), raconte la deuxième mission humanitaire qu’il vient de réaliser au Cambodge, en janvier 2025. ©Les Enfants Sourds du Cambodge

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.

{link} Ce post a été trouvé sur internet par notre rédaction voici la source Source