Le Triangle d’or, cette vaste zone d’Asie du Sud-Est à la confluence de la Birmanie, de la Thaïlande, du Laos et de la Chine connue pour le trafic d’opium, a récemment accompli une spectaculaire montée en grade technologique, détaille l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) dans un nouveau rapport, publié le 15 janvier.
Au cœur d’une économie de l’ombre, passée de l’héroïne aux méthamphétamines au mitan des années 2000 (ces deux filières, toujours en pleine expansion, fournissent toutes les mégalopoles d’Asie-Pacifique), cette région composée de pays riverains du Mékong a, depuis le début des années 2020, massivement investi le business de la fraude en ligne.
Hameçonnés sur des sites de rencontre, de jeux ou d’investissement, les internautes victimes de ces arnaques sont incités à virer de l’argent qu’ils ne reverront jamais, ou à investir dans des montages frauduleux ou de faux sites de cryptomonnaie. Aux mains des mafias chinoises, ce type d’activités criminelles a d’abord ciblé le marché chinois, avant de s’internationaliser.
« Petites mains » de la fraude en ligne
Il s’est pour cela greffé sur le vaste réseau de casinos auquel le narcotrafic a donné naissance au cours de la décennie 2010 dans les pays les moins régulés d’Asie du Sud-Est (en l’occurrence la Birmanie, le Cambodge et le Laos) pour blanchir ses profits illicites.
Ce sont ces clusters de casinos et les complexes résidentiels ou hôteliers attachés qui ont accueilli les dizaines de milliers de « petites mains » de la fraude en ligne, fournissant à ces opérateurs l’électricité, la bande passante et les investissements nécessaires à l’innovation technologique.
Une infrastructure dont le recours aux « technologies cybernétiques (…) a explosé avec le Covid-19, notamment avec la mise en ligne des paris », a précisé, le 15 janvier, Jeremy Douglas, le chef de l’ONUDC pour l’Asie du Sud-Est, au Club des correspondants étrangers de Thaïlande, à Bangkok.
Ces casinos servent de « système bancaire »
Surtout, les experts constatent que ces casinos servent de « système bancaire » à l’économie criminelle : « L’innovation technologique a été massive dans ce secteur et a eu un effet démultiplicateur sur toute l’économie illicite », affirme M. Douglas.
La région est devenue dès lors une plaque tournante pour le blanchiment d’argent : celui de la drogue, mais aussi les nouveaux revenus générés par les opérations de cyberfraude des mafias chinoises, qui ont fui la Chine à mesure que s’y sont enchaînées, à partir de 2019, les opérations policières et les nouvelles lois pour combattre le fléau du jeu en ligne.
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