Du Cambodge à l’Ukraine, « le ventre de la bête est toujours fécond

Il semblerait que les bombardements sur le Cambodge par l’US Air Force il y a cinquante ans soient tombés dans l’oubli. Pourtant, les « bombies » qui jonchent leurs terres continuent à tuer les Cambodgiens. Il serait bon de rafraîchir la mémoire des dirigeants ukrainiens actuels concernant l’utilisation des bombes à fragmentation fournies par leur « protecteur » américain. Ce sont leurs petits enfants qui en seront victimes, pas les enfants américains. Et ce sont leurs petits-enfants qui devront payer la facture de la livraison.

En 2017, un demi-siècle après que les bombardiers B-52 aient bombardé le Cambodge, Washington a exigé que le pays rembourse une dette de guerre de 500 millions de dollars américains.


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Rien qu’en 1973, 257 456 tonnes d’explosifs ont été larguées sur le pays, soit l’équivalent de la moitié de ce qui a été utilisé pour le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Les pilotes volaient tellement haut qu’ils étaient incapables de faire la différence entre un village cambodgien et leurs cibles qui étaient censées être les voies d’approvisionnement nord-vietnamiennes de la « piste Ho Chi Minh ». Les bombes étaient si puissantes que leur explosion faisait éclater les tympans dans un rayon d’un kilomètre.

500 000 Cambodgiens dont beaucoup d’enfants auraient été tués par ces bombardements qui n’ont fait que pousser des milliers de rescapés dans les bras des Khmers rouges, un mouvement de guérilla soi-disant maoïste qui a pris le pouvoir en 1975 et a causé, au cours des quatre années suivantes, la mort de plus de deux millions de personnes par des exécutions de masse et par la famine due à leur incurie.

En 2006, des chercheurs de l’Université de Yale ont révélé, après avoir étudié des documents d’archives déclassifiés de l’USAF, que les bombardements sur le Cambodge avaient été encore plus massifs qu’on ne le pensait. Depuis leurs bases de Thaïlande et de l’île de Guam, un territoire américain du Pacifique, des B-52 et d’autres bombardiers ont effectué plus de 230 000 sorties et largué 2 756 941 tonnes d’explosifs sur 113 716 objectifs visés.

Jusque là, le « record » était détenu par le Laos où les avions américains ont largué 2 093 100 tonnes de bombes. Les raids aériens sur le Laos ont commencé en 1964 et ceux sur le Cambodge en 1965, à une époque où les deux pays étaient réputés « neutres » dans la guerre qui se déroulait au Vietnam, leur voisin. Les bombardements se sont intensifiés en 1969-70 et se sont poursuivis jusqu’en 1973.

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Les présidents Johnson et Nixon, l’un démocrate et l’autre républicain, ont commandité ces campagnes « en secret », mais les deux « administrations » américaines successives ont continuellement récusé les informations qui circulaient au Congrès et dans les médias en affirmant que, si quelques raids aériens avaient lieu dans cette région du monde, ils ne visaient que des cibles du Vietnam.

La frappe de B-52 la plus meurtrière au Cambodge s’est produite une semaine seulement avant l’arrêt des bombardements, suite à « erreur de ciblage », selon les autorités (autorisées à s’exprimer). 20 tonnes d’explosifs ont été larguées sur la ville de Neak Luong, sur le Mékong, tuant ou blessant grièvement 405 civils. En fait d' »erreur » le but était de paralyser les forces communistes pour préserver les alliés des américains, à savoir les gouvernements du Cambodge à Phnom Penh et celui du Sud-Vietnam à Saïgon.

En fait, une grande partie de la puissance de feu des Américains s’est concentrée sur des secteurs relativement peu peuplés du Cambodge et du Laos, des territoires utilisés comme zones de rassemblement par les forces nord-vietnamiennes, mais les pertes civiles sont estimées à un minimum de 150 000 personnes en huit ans au Cambodge et environ la moitié au Laos.

Les bombardement américains de nuit, depuis une altitude de 32 000 pieds (env. 10 000 mètres), a eu trois conséquences : celle de retarder inutilement (deux ans) la victoire des Nord-Vietnamiens et celle des Khmers rouges, celle de pousser de nombreux civils « non engagés » à rejoindre les rangs communistes dont on prétendait les protéger, et surtout celle de continuer à tuer des enfants et des adultes plus de 50 ans après la fin des raids aériens.

Deux types de munitions étaient le plus souvent utilisés :

  • la bombe M117 air-sol, dite d’emploi général (à souffle et à fragmentation), non guidée à faible traînée, qui, en plus des nombreux morts précités, a laissé bon nombre de cratères recelant des explosifs encore actifs. Cette bombe a été utilisée pour la dernière fois dans l’opération « Tempête du Désert » en Irak en 1991, et a été abandonnée depuis.

  • La bombe CBU-58 larguant 650 bombinettes BLU-63/B à fragmentation. Ces armes à sous-munitions sont toujours stockées par l’USAF et ont été les plus meurtrières sur le moment et à long terme.

Les Lao et les Khmers les appelaient les « bombies » .


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Une seule ogive peut contenir 500 petites bombes ou plus. Celles que l’armée appelle des « sous-munitions » mesurent environ 15 cm de long, pèsent moins de 1,8 kg, giclent de leurs ogives et tombent en grappes sur de vastes territoires. Les conséquences désastreuses pour l’après-guerre, c’est que 40 % de ces bombinettes n’explosent pas à ce moment-là. On estime qu’entre 9 et 27 millions de sous-munitions en Indochine restent aujourd’hui « non explosées » (UXO), donc actives.

Depuis la fin de la guerre, et surtout depuis les années 2 000, la croissance démographique du Cambodge et du Laos a amené des populations à la recherche de terres cultivables à s’installer dans les régions qui ont été les plus bombardées. Le nombre de morts accidentelles a déjà atteint des dizaines de milliers de civils, et la liste risque de s’allonger. Les circonstances les plus révoltantes sont celles où des enfants ramassent des bombes vieilles de 50 ans, les utilisent comme jouets et perdent la vie ou sont amputés.

La Convention de 2010 sur les armes à sous-munitions signée par 123 pays était censée interdire l’utilisation, le développement, l’acquisition, le stockage et le transfert de ce type d’armement, mais les principaux fabricants que sont la Russie et les États-Unis, et d’autres pays comme la Chine et l’Ukraine, ont refusé de signer la convention.

Qu’elles soient d’origine américaine ou russe, les bombes à fragmentation sont utilisées depuis 2010 en Afghanistan, en Libye, au Soudan, au Yémen et en Syrie, etc.

Quand Biden a approuvé la fourniture de bombes à sous-munitions à l’Ukraine le mois dernier, il a qualifié sa décision de « difficile mais nécessaire ».

Les Ukrainiens disent que les munitions seront très efficaces contre l’infanterie, l’artillerie et les convois de camions russes. En fait, ce n’est certainement pas ce dont ils auraient besoin, pour autant que leur cause soit défendable. Mais plutôt c’est ce qui est en stock. On brade.

Le Pentagone a indiqué que l’Ukraine ne recevrait que des armes à sous-munitions utilisables par l’artillerie, mais pas de bombes à fragmentation larguées par l’aviation. Ça n’empêchera pas que, tout comme au Cambodge, la prolifération de ces munitions constituera toujours un danger morte pour la population longtemps après la fin de la guerre actuelle. Les gouvernements qui fournissent des « bombies » et ceux qui les utilisent sèment ce qui causera quantités de morts inutiles pour les générations à venir et, plutôt que de les aider à déminer les secteurs contaminés, les fournisseurs leur présenteront la facture.


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