Cette étude explore les défis sociaux, culturels, administratifs et financiers que les femmes affrontent après la séparation. L’étude Klahaan a impliqué 40 participants, hommes et femmes, de Phnom Penh et de régions éloignées, notamment des provinces de Ratanakiri et de Kep.
Le divorce au Cambodge : entre traditions ancrées et réalités changeantes
Le mariage demeure une institution profondément enracinée au Cambodge, où moins de 6% des individus dans la trentaine n’ont jamais été mariés. Il est perçu comme un rite de passage fondamental pour les hommes et les femmes, incarnant un aspect central de la culture khmère. Cependant, le mariage est aussi lié à des taux élevés de violences conjugales. Une étude de 2015 menée par ONU Femmes et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré qu’environ 20% des femmes cambodgiennes ont été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime.
Le rapport souligne que le divorce, bien qu’il puisse offrir aux femmes un moyen d’échapper à des situations abusives, reste socialement stigmatisé. Les femmes sont souvent jugées plus sévèrement que les hommes après une séparation, ce qui contribue à décourager certaines d’entre elles à engager une procédure.
Les obstacles auxquels font face les femmes divorcées
« En raison des stéréotypes liés au genre au Cambodge, les femmes divorcées sont jugées plus sévèrement que les hommes. La société juge toujours que quelque chose n’allait pas chez la femme », affirme une enquêtée.
Selon le rapport, 87% des participants à l’étude estiment que les femmes subissent davantage de honte et de stigmatisation après le divorce par rapport aux hommes. Cela est en partie dû aux pressions familiales et sociales exercées pour qu’elles restent mariées, même dans des situations d’abus. Les femmes peuvent également manquer d’informations sur les procédures de divorce et craindre les répercussions sur leurs enfants.
Parmi les raisons les plus fréquentes pour lesquelles les femmes cherchent à divorcer, l’étude cite la violence de la part de leur partenaire intime, notamment physique, psychologique, sexuelle ou financière.
Une enquêtée témoigne des violences qu’elle a subi : « Dans mon cas, il y a eu des violences sexuelles, y compris un viol conjugal. En outre, il y a eu des violences économiques. Je devais assumer toutes les dépenses du ménage, en particulier le coût de la vie des enfants… Il m’a violée lors de notre nuit de noces… Malheureusement, je suis tombée enceinte à la suite de ce viol, et je n’ai donc pas eu d’autre choix que de rester avec lui… J’ai eu de plus en plus peur, et j’ai cru que je n’avais aucun moyen de m’en sortir… Je l’ai toléré pendant longtemps, jusqu’à ce que je tombe physiquement malade et que je veuille m’éloigner de lui… »
Les conséquences du divorce pour les femmes au Cambodge
Les femmes divorcées vivent souvent des effets négatifs persistants, tels que la honte, les traumatismes émotionnels, les conséquences financières dévastatrices et l’impact sur leurs enfants.
« Il s’est retiré de toutes les responsabilités et m’a laissé m’occuper de tout depuis le divorce. Il se désintéresse de tout. Il m’a laissé tout le fardeau. J’ai dû m’occuper des enfants, j’ai dû travailler pour rembourser les dettes toute seule… Je dois toujours m’occuper de la famille dans son ensemble et me préoccuper des dépenses quotidiennes. Cela a été très dur pour moi », affirme une enquêtée.
Selon l’étude, la croyance dominante au Cambodge est que les femmes ne peuvent se marier qu’une seule fois dans leur vie – une notion qui influence la perception du divorce. Les participants ont identifié l’importance culturelle de la pureté, notamment le fait qu’une femme ne devrait avoir qu’un seul partenaire sexuel tout au long de sa vie. En outre, certains participants ont mentionné les tabous entourant le divorce et l’attente sociétale qu’une femme reste mariée, quelles que soient les difficultés du mariage.
Cependant, les femmes constatent également des aspects positifs à leur divorce, comme la fin des situations de violence et d’abus, la réduction de la charge de soins de leur ex-mari, l’amélioration de leurs relations avec leurs enfants et l’accroissement de leur autonomie et de leur liberté personnelles.
« J’ai le sentiment d’être libre. J’ai l’impression d’avoir été libéré de la tristesse et de la souffrance que j’ai vécues pendant de nombreuses années et que j’ai endurées pendant si longtemps. J’ai eu l’impression d’être libérée d’une sombre prison après mon divorce », explique une enquêtée.
Des différences entre milieux urbains et ruraux
Le rapport met en lumière le fait que les femmes divorcées dans les zones rurales sont plus exposées à la stigmatisation sociale que celles vivant en zones urbaines. Près de la moitié des répondants à l’enquête ont affirmé que les femmes rurales sont plus touchées par le jugement social, contre seulement 8% qui ont déclaré que les femmes urbaines sont davantage concernées.
Les opinions varient parmi les participants quant à savoir si la situation géographique d’un couple tend à rendre plus facile ou plus difficile l’accès à la procédure de divorce. Certains ont estimé qu’il était plus simple d’obtenir le divorce dans les zones rurales en raison des relations interpersonnelles avec les autorités et des mariages “non-officiels” qui y sont généralement majoritaires.
Au Cambodge, de nombreux couples se marient sans obtenir de certificat de mariage légal, en particulier dans les zones rurales. Ces mariages sont souvent qualifiés d’”informels”, de “coutumiers” ou de “traditionnels ». Ces mariages peuvent cependant comporter des risques : “Au Cambodge, de nombreux couples n’enregistrent pas leur mariage à l’état civil parce qu’ils trouvent la procédure d’enregistrement trop lourde… Cette omission met surtout en danger les droits des femmes, en particulier celles qui demandent ensuite le divorce. Les droits des femmes en matière de biens matrimoniaux et de pension alimentaire ne sont pas garantis puisqu’elles ne sont pas considérées comme légalement mariées et n’ont donc pas le droit de posséder des biens au nom de leur pseudo-époux. Elles peuvent également ne pas avoir droit à une pension alimentaire pour les enfants.”
D’autres personnes interrogées ont fait remarquer que les femmes vivant dans les villes ont généralement un niveau d’éducation et de revenus plus élevé que celles vivant dans les zones rurales, ce qui faciliterait leur accès au divorce.
Des défis à surmonter
Pour soutenir les femmes, il est nécessaire de pousser le gouvernement à mettre en place des politiques qui accélèrent la procédure de divorce. Il paraît également important de réduire le besoin de médiation judiciaire tout en renforçant la protection de la santé des femmes en condamnant le blâme des victimes par les forces de l’ordre.
Malgré ces défis, le rapport note que les attitudes de la société à l’égard du divorce évoluent progressivement vers plus de tolérance. Une majorité de participants ont affirmé que les perceptions de la société à l’égard du divorce sont devenues plus acceptables depuis l’an 2000, ce qui laisse espérer que l’acceptation continuera de croître à l’avenir, facilitant potentiellement l’accès des femmes aux procédures de divorce et réduisant la stigmatisation associée.
Jeanne Greff
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