Après cinq ans de guerre civile, du 17 avril 1975 au 7 janvier 1979, le régime totalitaire des « Khmers rouges » précipite le Cambodge dans l’horreur d’une révolution sur le modèle maoïste. Autour de 2 millions de Cambodgiens vont trouver la mort privant le pays d’un quart de sa population.
Longtemps ignoré, voire nié, le génocide perpétré par les Khmers rouges a été présenté comme une parenthèse démente propre à l’histoire du Cambodge. Sans occulter sa part historique, l’expérience khmère n’est pas le fruit d’une anomalie mais un exemple chimiquement pur de la confrontation de l’idéocratie marxiste-léniniste au réel.
L’origine de la « révolution forestière »
L’Occident est toujours resté sourd à l’exigence de justice qu’un tel crime appelait, par aveuglement autant que par crainte d’exhumer sa mauvaise conscience. La « révolution forestière » fondée, dans l’esprit maoïste, sur les paysans est d’abord pensée par des intellectuels formés en France par le parti communiste. Dans les années 1950, le boursier Saloh Sar, futur Pol Pot, se frotte ainsi à l’École des cadres de Guyot.
Inspiré par Rousseau et la praxis robespierriste, il rédige, avec Kieu Samphan Ieng Sary et Son Sen un projet de régénération mortifère. Pol Pot éprouve alors son utopie meurtrière dans la jungle cambodgienne jusqu’en 1970 lorsque la déposition du roi Sihanouk offre aux Khmers rouges l’occasion de prendre le pouvoir. La chute de Phnom Penh, le 17 avril 1975, sonne leur victoire.
L’obsession agrarienne des Khmers rouges les pousse à déporter tous les citadins « corrompus par le luxe urbain » vers les campagnes. Phnom Penh est vidée en 48 heures. La rééducation des masses, entamée dans les régions conquises, reproduit la révolution culturelle maoïste. Tout conspire contre les liens sociaux naturels, par essence inégalitaire. Les rapports filiaux sont ainsi inversés au profit des enfants dont l’âme n’est pas corrompue par le passé. Des gamins dirigent les exécutions et dénoncent leur propre parent. Le pouvoir impose des mariages forcés.
Dans le discutable mais émouvant Killing Fields de Joffé, les cadres du camp expliquent que l’amour est un sentiment « bourgeois » à remplacer par la méfiance de l’autre. Tout ce qui contribue à l’interaction sociale, monnaie, commerce ou école, est supprimé. Il ne faut pas non plus penser. Ceux qui étudient, savent lire ou tout simplement portent des lunettes sont exterminés. Les « camarades » uniformisent la coiffure et l’habit réduit au pyjama de coton noir. De la production à la consommation, tout est collectivisé jusqu’aux repas obligatoirement pris dans des cantines.
Dans le pays, rebaptisé Kampuchea démocratique, tout se fait dans le secret. Il faut attendre 1976 pour découvrir le visage de Pol Pot, secrétaire général du parti, nommé « frère n°1 ». L’organisation Angkar qui dirige de fait le pays use de la peur pour maintenir l’esprit combattant des militants. La militarisation de la société née dans le maquis confie ainsi aux guerriers l’exclusivité de la réorganisation du pays et la répression.
Le pays est devenu un charnier à ciel ouvert
Instruit du passé glorieux de son pays, Pol Pot cherche moins à ériger un Homme nouveau qu’à restaurer le Khmer originel, débarrassé de « l’esprit vietnamien ». La pratique génocidaire se déploie sur fond de lutte des races, non de classes. En désaffiliant le « nouveau peuple » ennemi, de sa souche cambodgienne, le pouvoir entend le séparer du « peuple ancien », rural et loyal.
Le tri s’opère par les déplacements et les massacres. Dans le centre de mise à mort S21, dirigé par Douch les tortionnaires « interrogent » les consciences et « enfoncent » les chairs pour se purifier. Fonctionnaires, « traîtres » à la cause, clercs, en tout 20 000 « ennemis de l’intérieur », y sont exécutés après avoir avoué des crimes imaginaires mais indispensables au récit paranoïaque des communistes. Un quart de la population disparaît sous l’effet conjugué des marches forcées, de la réduction à l’esclavage, des purges et des tueries de masse. Le pays est devenu un charnier à ciel ouvert.
Aveuglement idéologique de l’Occident
La révélation des crimes, rapportés en Occident par des rescapés, gêne. Le Quai d’Orsay n’avait-il pas demandé à l’ambassade française de garder secrètes les exactions des Khmers rouges mais aussi de refuser l’asile politique aux réfugiés pour les livrer à leurs bourreaux ? Le Monde, Libération ou l’Humanité n’avaient-ils pas jubilé devant la victoire communiste ?
L’aveuglement idéologique confine au ridicule quand les étudiants maoïstes encouragent les troupes khmères. Lorsque le Vietnam s’attaque à cette ingénierie monstrueuse, les intellectuels qui, de Marek Halter à Jean Lacouture, avaient soutenu le Vietminh contre les Américains, protestent désormais contre Hanoï.
Lorsque le régime khmer tombe, les diplomaties étrangères favorisent la retraite de Pol Pot qui, sans jamais être inquiété par aucune cour pénale, ne sera arrêté qu’en 1997… par les siens avant de mourir opportunément peu de temps après ! Le premier procès intenté contre le régime khmer ne s’ouvre qu’en 2003 et sous le contrôle des autorités du pays.
Les lois mémorielles de 2013, réitérées en février dernier, n’empêchent pas le négationnisme de prospérer. Des dizaines de meurtriers encore en vie n’ont jamais été appréhendés, certains enseignent même en France. Depuis 1917, le communisme au pouvoir, quelle que soit son incarnation, a tué partout dans le monde et tue encore. Son procès n’a toujours pas été fait.
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