Fin de règne
Le Premier ministre cambodgien a annoncé à la télévision que son fils Hun Manet allait lui succéder le mois prochain. En pratique, cependant, l’autocrate risque de conserver un rôle politique central.
Il était l’un des dirigeants politiques à la plus grande longévité dans le monde. Après trente-huit années passées au pouvoir, le Premier ministre du Cambodge Hun Sen a présenté sa démission, ce mercredi 26 juillet, à la télévision nationale. «Je voudrais demander à la population de faire preuve de compréhension en annonçant que je ne resterai pas Premier ministre», a-t-il dit dans une allocution prononcée trois jours après que sa formation politique, le Parti du peuple cambodgien (CPP), a remporté une victoire écrasante lors des élections législatives, raflant 120 sièges sur les 125 que compte l’Assemblée nationale. Un scrutin dénoncé par les adversaires du régime comme par les ONG : le principal parti d’opposition n’avait pas été autorisé à se présenter et nombre de ses dirigeants sont en exil, en prison ou en résidence surveillée.
A l’autocrate, qui fêtera bientôt ses 71 ans, succédera son fils Hun Manet, 45 ans, commandant en chef adjoint des armées jusqu’aux élections et désormais député, pour la première fois, dans la circonscription de la capitale Phnom Penh. La transition était annoncée de longue date – Hun Sen avait désigné publiquement l’héritier en décembre 2021 – mais le calendrier du passage de témoin demeurait incertain. Il aura lieu dans la soirée du 22 août, a révélé le chef d’Etat lors de son allocution.
«Maintenir une stabilité à long terme»
Diplômé de l’académie militaire américaine de West Point et d’un doctorat en économie décroché à l’université britannique de Bristol, Hun Manet présente un profil a priori plus favorable aux Occidentaux, quand son père s’est fortement rapproché de la Chine, ces dernières années. En réalité, cependant, la transition formelle entre Hun Sen et Hun Manet ne devrait pas immédiatement provoquer de changement politique, selon les observateurs.
«Même quand il ne sera plus Premier ministre, Hun Sen gardera le pouvoir grâce à ses réseaux népotiques. Il restera un personnage central du jeu politique cambodgien jusqu’à sa mort», prédisait dans Libération, le 22 juillet, Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse associée à l’Institut français des relations internationales et spécialiste de l’Asie du Sud-Est. Le septuagénaire a d’ores et déjà affirmé qu’il souhaitait aider son fils à «contrôler la sécurité, l’ordre et à participer au développement du pays.»
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Dans la future organisation politique, il devrait être président du Sénat, c’est-à-dire numéro 2 dans le protocole après le roi Norodom Sihamoni. Lors de son discours, Hun Sen a aussi fait part de sa décision de rester président du CPP et de prendre la tête du Conseil royal, chargé d’élire le roi du Cambodge en cas de succession. «L’objectif est de maintenir une stabilité à long terme, car la stabilité et la paix sont les fondements du développement», a justifié l’actuel Premier ministre.
Mainmise croissante sur le pays
Ancien combattant khmer rouge, grièvement blessé à l’œil pendant la guerre civile, ce fils de paysans du centre du pays avait fui vers le Vietnam, en 1977, avant de revenir dans son pays natal l’année suivante et d’intégrer le gouvernement installé par Hanoi, abandonnant le dogme communiste pour défendre l’économie de marché. En 1997, quatre ans après avoir été rétrogradé second Premier ministre suite à une défaite électorale du CPP, il avait fomenté un coup d’Etat sanglant pour écarter son rival Norodom Ranariddh, contraint à l’exil, et reprendre le pouvoir.
Du mandat quasi-quadragénaire d’Hun Sen, on retiendra des progrès économiques, mais surtout la mainmise croissante qu’il a exercée sur le pays, distribuant les grandes entreprises et les médias à ses proches et faisant taire progressivement toutes les voix critiques, notamment au cours de la dernière décennie. Jusqu’au «raz-de-marée» électoral revendiqué dimanche par le CPP, après l’élimination de tous les opposants crédibles du régime.
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